Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 114

Le jeudi 20 avril 2023
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 20 avril 2023

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les victimes de l’incendie dans le Vieux-Montréal

L’honorable Diane Bellemare : Le 16 mars 2023, dans le Vieux-Montréal, un terrible incendie s’est déclaré tôt le matin, rue du Port, alors que 22 personnes se trouvaient dans l’immeuble patrimonial de trois étages.

Des personnes coincées dans des logements sans issue de secours et sans fenêtres ont lancé des appels au 911 et à des proches. D’autres ont réussi à sortir ou ont dû sauter par les fenêtres pour sauver leur vie. Sept de ces personnes n’ont pas eu cette chance.

Il y avait Camille Maheux, 76 ans, cinématographe et vidéaste, qui était connue dans son milieu comme une « excellente portraitiste et une pionnière de ce qu’on a appelé par la suite des documentaires intimes ». Depuis ses débuts dans les années 1970, elle photographiait le mouvement féministe, la communauté LGBT et les personnes marginalisées.

[Traduction]

Nathan Sears, 35 ans, venait d’obtenir un doctorat en sciences politiques à l’Université de Toronto. Il était titulaire de la bourse Cadieux-Léger à Affaires mondiales Canada et boursier au Trudeau Centre for Peace, Conflict and Justice. Connu par ses pairs et ses proches comme un universitaire passionné qui avait devant lui une carrière prometteuse, il était à Montréal pour la conférence de l’Association des études internationales.

Dania Zafar, 31 ans, était une jeune graphiste, un esprit libre et une femme ambitieuse. Elle a parlé à son père à Lahore, au Pakistan, la veille de l’incendie. Elle était en voyage spontané à Montréal avec son amie Saniya Khan, également âgée de 31 ans, qui était venue à Montréal pour rendre visite à un ami d’enfance. Mme Khan poursuivait une maîtrise en santé publique à Detroit.

An Wu, 31 ans, était une jeune neuroscientifique prometteuse qui avait obtenu son doctorat à 24 ans et qui travaillait comme responsable scientifique de projets à l’Université de Californie à San Diego. Elle était en visite au Québec à l’occasion de la conférence et de l’atelier universitaires sur les neurosciences computationnelles et des systèmes.

[Français]

Il y avait également Charlie Lacroix, une jeune femme de 18 ans, décrite comme un papillon social, très attentionnée, qui adorait l’art et qui a appelé son grand-père pendant l’incendie, ainsi que Walid Belkahla, son ami, un jeune homme de 18 ans qui avait toute sa vie devant lui.

Pour la famille et les amis des personnes qui ont perdu la vie, l’attente a été insupportable avant qu’on retrouve et identifie leur corps dans les décombres, plusieurs jours après l’incendie.

Comment un tel incendie peut-il encore se produire aujourd’hui, chez nous?

Le coroner en chef du Québec a ordonné une enquête publique sur les sept décès.

Ces décès n’auraient jamais dû se produire. Toutes nos pensées vont aux membres des familles et aux proches, à qui j’offre toutes mes condoléances.

[Traduction]

Le Championnat canadien de curling junior pour les moins de 21 ans

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, c’est mon devoir en tant que sénateur, mais mon honneur en tant que grand-père de vous présenter aujourd’hui le quatrième chapitre des « Aventures de Myla Plett au curling ».

Comme vous vous en souvenez sans doute, Myla et son équipe étaient sur une lancée incroyable. Après le Championnat canadien de curling junior féminin pour les moins de 18 ans, à Timmins, en Ontario, elles ont remporté la médaille d’argent aux Jeux d’hiver du Canada au début mars à l’Île-du-Prince-Édouard. Elles ont ensuite pris le chemin de Rouyn-Noranda, au Québec, pour le Championnat canadien de curling junior pour les moins de 21 ans.

Betty et moi n’avons pu nous rendre sur place cette fois-ci, mais j’ai cru comprendre que quelqu’un a voulu appeler les pompiers tant l’équipe Plett était tout feu tout flamme. Myla et ses coéquipières ont joué 10 matches en 8 jours, et grâce à leur score parfait de 10 victoires et 0 défaite, elles ont remporté la médaille d’or en défaisant Terre-Neuve-et-Labrador en finale. Comme elles ont aussi eu une fiche parfaite de 9 victoires sans défaite au championnat des moins de 18 ans, elles en sont maintenant à un impressionnant bilan de 19 victoires et 0 défaite en deux tournois.

Chers collègues, Myla était aussi étonnée qu’enthousiaste d’apprendre qu’avec cette séquence victorieuse, son équipe et elle ont écrit une page d’histoire. C’est en effet la première fois de l’histoire du curling canadien qu’une équipe remporte les deux titres juniors, soit celui des moins de 18 ans et celui des moins de 21 ans, dans la même année.

Voici ce qu’a écrit le Calgary Sun  :

Il s’agit d’un nouveau chapitre dans cette étonnante et réjouissante course aux championnats que mènent Plett, la capitaine adjointe Alyssa Nedohin, la deuxième Chloe Fediuk, la première Allie Iskiw […]

 — ainsi que leurs entraîneurs, Blaire Lenton et David Nedohin.

Je suis tout à fait d’accord. Les exploits de l’équipe sont remarquables, et elle a marqué l’histoire du curling canadien. Comme l’équipe Plett a remporté les championnats nationaux des moins de 21 ans, elle passera maintenant l’été et l’automne à s’entraîner, puis elle partira à Lohja, en Finlande, pour participer au Championnat du monde junior B de curling féminin de 2023 en tant qu’Équipe Canada. Si elle monte sur le podium, elle retournera en Finlande en février 2024 pour le Championnat du monde junior A de curling de 2024.

Chers collègues, Myla et ses coéquipières sont représentatives des nombreux merveilleux athlètes du Canada. Elles ont consacré d’innombrables heures à leur entraînement et elles ont travaillé sans relâche pour perfectionner leurs habiletés. Leur engagement envers l’excellence est une source d’inspiration pour nous tous.

Je tiens également à féliciter l’équipe masculine de l’Alberta de leur incroyable victoire aux Championnats canadiens de curling des moins de 21 ans. Johnson Tao, le capitaine, Jaedon Neuert, le troisième, Benjamin Morin, le deuxième, et Adam Naugler, le premier, ont fait preuve d’un grand talent, d’une détermination à toute épreuve et d’un esprit d’équipe formidable pour remporter la médaille d’or. Leur succès, à l’instar de celui de l’équipe de Myla, témoigne de la force du curling canadien et du talent de nos nombreux jeunes athlètes.

Chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter l’équipe Plett de sa victoire historique, ainsi que l’équipe masculine de l’Alberta et tous les jeunes athlètes qui ont participé et qui continuent à nous rendre fiers.

Une voix : Bravo!

Le Jour de la Terre

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, ce samedi, partout dans le monde entier, les gens se réuniront pour célébrer la 55e édition annuelle du Jour de la Terre, une journée créée à l’initiative du sénateur démocrate Gaylord Nelson et du membre républicain du Congrès Pete McCloskey. La première édition du Jour de la Terre s’est déroulée sous le thème « Une question de survie ».

(1410)

Chers collègues, la Terre est la troisième planète à partir du soleil et la seule, pour autant que nous sachions, qui est habitée par des êtres vivants, dont nous. La Terre est la seule planète où on trouve de l’eau liquide en surface. Le terme « Terre » remonte à plus de 1 000 ans. À l’opposé d’autres planètes qui portent le nom d’un dieu ou d’une déesse de la mythologie grecque et romaine, le nom de notre planète vient d’un mot germanique qui signifie tout simplement « le sol ».

Cette année, le Jour de la Terre se déroulera sous le thème « Investir dans notre planète » et vise à mettre en évidence la nécessité que les États, les entreprises et la population contribuent à bâtir des économies saines, durables et équitables. Voici ce qu’on peut lire sur le site Web du Jour de la Terre :

Il n’y a plus de choix entre passer au vert et augmenter les bénéfices à long terme. Il est crucial pour les entreprises de toutes tailles d’agir maintenant.

Selon Fatih Birol, directeur de l’Agence internationale de l’énergie :

Nous n’avons pas à choisir entre répondre à la crise énergétique actuelle et gérer la crise climatique. Non seulement nous pouvons agir sur les deux fronts, mais il le faut, car les deux enjeux sont intimement liés. Investir massivement dans les énergies propres, y compris dans l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, l’électrification et divers combustibles non polluants, est le meilleur moyen de garantir notre sécurité énergétique future et de faire reculer les émissions nocives de gaz à effet de serre.

Voici ce qu’on peut lire dans le rapport annuel du Groupe consultatif pour la carboneutralité, qui est un organisme canadien indépendant :

Le Canada doit demeurer à l’avant-garde du mouvement de la carboneutralité afin d’assurer sa compétitivité au sein de l’économie mondiale, de préserver le bien-être de sa population, de créer de bons emplois et d’attirer des investissements pour tirer parti des avantages concurrentiels.

[...] il faut bâtir un avenir [...] carboneutre pour tous les Canadiens.

L’association des Manufacturiers et Exportateurs du Canada a déclaré ce qui suit : « Il est impératif que le Canada et les manufacturiers canadiens deviennent des chefs de file mondiaux dans la course à la carboneutralité. »

Chers collègues, nous savons que le secteur des affaires a un rôle primordial à jouer pour réaliser la révolution industrielle verte qui est en train de transformer notre planète. De leur côté, les instances gouvernementales, peu importe l’échelon, ont aussi un rôle essentiel à jouer, tout comme la société civile et chacun d’entre nous, à titre de citoyen. Chers collègues, samedi prochain, je vous incite à prendre une minute pour réfléchir à ce que vous pouvez faire personnellement pour investir dans le bien de notre planète pour notre propre bien et à celui des générations futures. Sortons à l’extérieur pour profiter de la journée. Joyeux Jour de la Terre.

Les cérémonies de citoyenneté

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, l’une des grandes réussites du Canada réside dans sa capacité à créer une vision commune dans un pays aussi vaste, où les liens entre le Nord et le Sud sont souvent plus étroits que ceux qui unissent l’Est et l’Ouest. Si la notion de terre de liberté est associée avec les États-Unis, c’est également le cas du Canada, grâce à la bravoure de ses soldats pendant les deux guerres mondiales, la guerre de Corée, et la guerre en Afghanistan. Nous célébrons le jour du Souvenir pour rendre hommage à ceux dont le sacrifice a permis de préserver les libertés dont nous jouissons et qui font l’envie de millions de personnes.

Pour les néo-Canadiens, prêter serment en public lors des cérémonies de citoyenneté constitue un engagement à servir leur nouvelle patrie. Bien que ce soit souvent un choix difficile à faire, ils se montrent prêts à accepter le changement, la froidure de l’hiver, l’apprentissage de nouvelles langues et de pratiques étranges dont bon nombre ont lieu sur la glace. On n’a qu’à penser au curling.

Après 76 ans d’existence, paradoxalement à partir du 1er juillet, il n’y aura plus de serment en public ni de cérémonies de citoyenneté. Les néo-Canadiens n’auront plus qu’à aller sur Internet pour cocher une case. C’est scandaleux. Après avoir attendu des années et travaillé sans relâche pour obtenir cette chance, ils se voient privés de la possibilité d’affirmer fièrement et publiquement leur nouvelle citoyenneté aux côtés d’autres néo-Canadiens qui ont choisi le même parcours. C’est peut-être la raison pour laquelle ce sont eux qui sont les plus contrariés par ceux qui passent illégalement devant les autres.

Le serment est une étape importante vers l’appartenance. Demander qu’on coche une case insignifiante en ligne mine le concept même de la citoyenneté; un pays se doit d’être honnête et clair quant à son identité.

Nous nous croyons encore les gardiens de la paix de la planète, mais nous n’avons pas l’équipement requis. Nous sommes généreux quand il s’agit de l’argent des autres. Nous ne versons pas notre dû à l’OTAN. Nous obéissons aux règles, jusqu’à rester arrêtés à un feu rouge à 2 heures du matin même s’il n’y a personne d’autre dans les rues. Nous excuser est pour nous pratiquement un réflexe, mais cela a souvent du bon quand on réfléchit au passé et qu’on s’efforce de changer les choses pour un avenir meilleur. Or, déboulonner les statues, bannir l’histoire et mettre un terme aux cérémonies de citoyenneté n’est utile à personne, pas même aux néo-Canadiens. Nous avons le devoir de leur dire la vérité. Nous sommes tous le produit du passé, pour le meilleur et pour le pire. Il faut que cesse le dénigrement constant du dur labeur des milliers de personnes qui ont bâti des huttes de terre, trouvé de quoi vivre et survécu à la cruauté de l’hiver, donné naissance à des enfants, élevé des familles et cultivé la terre — des gens de toutes les origines et de toutes les croyances qui se sont bâti une vie, qui ont édifié les collectivités du pays et contribué à l’identité de ce dernier.

Tirons-nous des leçons de notre passé? Bien sûr, et les nouveaux arrivants le font aussi. D’ailleurs, c’est souvent pour cela qu’ils sont venus ici, pour fuir la tyrannie, pour obtenir la liberté de parole et de pensée, et pour enfin connaître le sentiment de sécurité et d’abondance. Au bout du compte, c’est une question d’engagement les uns envers les autres en tant qu’habitants d’un espace commun, peu importe que ce soit une ferme, un village de pêcheurs, un appartement en ville ou une collectivité des Premières Nations.

Alors, conservons le serment et la cérémonie de citoyenneté. Nous devrions peut-être tous penser à renouveler notre engagement envers notre citoyenneté. Engageons-nous envers le Canada, car notre pays est la preuve que le changement est possible.

Des voix : Bravo!

La Semaine de la santé mentale

L’honorable David M. Wells : Honorables collègues, du 1er au 7 mai, c’est la Semaine de la santé mentale au Canada. C’est l’occasion de réfléchir à l’incidence de la santé mentale sur notre vie, notre famille, nos concitoyens et notre pays. La santé mentale est essentielle à notre bien-être général, et c’est un enjeu qui nous touche tous d’une façon ou d’une autre.

Le thème de cette année, « Mon histoire », fait valoir l’importance de reconnaître et d’exprimer nos émotions, individuellement et collectivement, et d’accepter les expériences qui façonnent notre identité. C’est un rappel que chaque personne a une histoire, et qu’il faut traiter la santé mentale de la même manière que l’on traite la santé physique.

Alors que nous soulignons la Semaine de la santé mentale, prenons un instant pour reconnaître les efforts déployés par les professionnels, les organismes et les défenseurs de la santé mentale qui travaillent sans relâche pour sensibiliser la population, mettre en place des mesures de soutien et réduire les préjugés entourant la maladie mentale.

Honorables collègues, continuons d’élever nos voix pour sensibiliser les gens à cet enjeu et d’unir nos efforts pour déstigmatiser les problèmes de santé mentale. Maintenant plus que jamais, les Canadiens ont besoin de soutien.

L’Assemblée des leaders NextGEN

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, le 24 avril, j’aurai l’insigne honneur d’animer un rassemblement de jeunes leaders du Québec à l’occasion de la deuxième édition de l’Assemblée des leaders NextGEN, organisée par la Commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier et la Commission scolaire English-Montréal.

L’activité, qui durera toute la journée, sera fort excitante pour les 60 élèves qui se rassembleront en personne, à Ottawa, afin de discuter d’initiatives législatives que le Parlement étudie à l’heure actuelle ainsi que des priorités en matière de politiques publiques. Des élèves de l’école King’s-Edgehill, en Nouvelle-Écosse, se joindront également à nous par vidéoconférence.

[Français]

Nos jeunes auront la chance d’échanger virtuellement avec des membres de l’Assemblée nationale du Québec et des députés de l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse. Pour sa troisième édition, le comité organisateur souhaite étendre sa portée en invitant d’autres conseils scolaires de tout le pays à participer à cette importante initiative.

[Traduction]

Les élèves seront divisés en petits groupes auxquels seront affectés des parlementaires. On demandera ensuite à ces groupes de trouver de l’information sur un dossier d’intérêt national qui est d’actualité au Parlement, d’en faire l’analyse et de trouver des solutions à quelques-uns des principaux défis que le pays doit surmonter.

[Français]

J’ai été ravi de participer à l’édition de l’année dernière, qui s’est déroulée virtuellement, et j’ai été impressionné par l’engagement, le plaidoyer et l’intelligence de nos jeunes.

[Traduction]

Il sera merveilleux, pour quelques-uns de nos collègues et moi, de pouvoir interagir en personne avec ces leaders de demain cette année. Je suis impatient d’échanger avec eux, mais surtout, j’ai hâte d’entendre ce que ces jeunes esprits brillants ont à dire au sujet de certains des problèmes les plus pressants auxquels notre pays doit faire face. J’espère que cette expérience immersive dans les couloirs du Parlement leur donnera l’occasion de développer leur pensée critique et d’acquérir des compétences essentielles pour réussir dans la vie, telles que la communication active, la résolution de problèmes, la collaboration constructive et l’engagement pour la citoyenneté mondiale et le développement communautaire.

Il est également rafraîchissant, revitalisant et inspirant de voir de nos propres yeux les jeunes de notre pays militer pour le changement et exprimer leurs opinions sur des dossiers qui leur tiennent à cœur. J’ai le sentiment que, en tant que législateurs, nous pouvons beaucoup apprendre d’eux. Il est important que nous écoutions et que nous consultions les leaders canadiens de demain tandis que nous légiférons, délibérons et représentons leurs intérêts au Parlement.

(1420)

Honorables sénateurs, ce sera un honneur pour moi d’être l’hôte de la deuxième édition de l’Assemblée des leaders NextGEN au Sénat la semaine prochaine. Veuillez vous joindre à moi pour souhaiter aux 60 jeunes leaders une assemblée très réussie et enrichissante.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de deux membres de la Royal Newfoundland Constabulary Association, l’agent Michael Hunt et l’agent Justin Dawe. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Wells.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Audit et surveillance

Présentation du septième rapport du comité

L’honorable Marty Klyne, président du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, présente le rapport suivant :

Le jeudi 20 avril 2023

Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance a l’honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, qui est chargé, de sa propre initiative, de superviser et faire rapport sur les audits internes et externes du Sénat et les questions connexes, conformément à l’article 12-7(4) du Règlement, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2024.

Conformément au chapitre 3:05, article 2(3)b) du Règlement administratif du Sénat, votre comité présente ici son rapport de budget.

Respectueusement soumis,

Le président,

MARTY KLYNE

(Le texte du budget figure à l’annexe A des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 1406.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Klyne, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Peuples autochtones

Budget—L’étude sur les obligations découlant des traités et les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis—Présentation du dixième rapport du comité

L’honorable Brian Francis, président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant :

Le jeudi 20 avril 2023

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l’honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 3 mars 2022 à étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2024.

Conformément au chapitre 3:05, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

BRIAN FRANCIS

(Le texte du budget figure à l’annexe B des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 1411.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Francis, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi sur la Journée nationale de sensibilisation au gliome infiltrant du tronc cérébral

Première lecture

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) dépose le projet de loi S-260, Loi instituant la Journée nationale de sensibilisation au gliome infiltrant du tronc cérébral.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

L’Association parlementaire Canada-Europe

Le Sommet des parlementaires de l’Arctique—Rapport sur la collaboration nordique et nord-américaine, tenu du 11 au 13 septembre 2022—Dépôt du rapport

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant le Sommet des parlementaires de l’Arctique — Rapport sur la collaboration nordique et nord-américaine, tenu à Nuuk, au Groenland, du 11 au 13 septembre 2022.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Cabinet du premier ministre

L’éthique et la transparence

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, je sais que vous attendiez ma question.

Ma question, monsieur le leader du gouvernement, fait suite à une question posée hier par ma collègue la sénatrice Batters concernant la nomination de la belle-sœur du ministre LeBlanc à titre de commissaire à l’éthique par intérim.

Au cours de la période des questions d’hier, monsieur le leader, vous avez défendu cette nomination. Vous avez reproché à la sénatrice Batters de porter atteinte au rôle important que joue le commissaire à l’éthique dans notre système. Peu de temps après, nous avons appris que la belle-sœur du ministre LeBlanc avait en fait démissionné de son poste de commissaire à l’éthique par intérim, avec effet immédiat.

Démissionner était la chose à faire, mais le gouvernement Trudeau n’aurait jamais dû la placer dans cette situation. Il est le seul responsable d’avoir porté atteinte au rôle de commissaire à l’éthique.

Maintenant que la belle-sœur du ministre a démissionné, sénateur Gold, reconnaissez-vous qu’il y avait effectivement un conflit d’intérêts?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Non, je ne suis pas d’accord. L’ancienne commissaire par intérim a fait l’objet d’une vérification en matière d’éthique dès le début, comme il est de mise dans de tels postes au sein d’institutions comme celle-là.

Je maintiens ce que j’ai dit hier pour défendre son intégrité, sa compétence et le rôle qu’elle a accepté de jouer.

Étant donné qu’elle a maintenant décidé de démissionner, le gouvernement enclenchera avec célérité le processus de sélection d’un nouveau commissaire par intérim. À cet égard, le gouvernement collaborera avec tous les partis pour trouver la personne tout indiquée et la nommer à ce poste.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, le premier ministre a nommé un vieil ami de la famille, un voisin et un membre de la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau pour enquêter sur ce qu’il savait à propos de l’ingérence de Pékin, mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter en raison de la réputation de cet homme.

Le premier ministre refuse de dire s’il a payé les frais d’hébergement de 80 000 $ pour des vacances de luxe en Jamaïque, mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter parce que le site de villégiature appartient à un autre ami de la famille.

Le ministre LeBlanc a octroyé un permis de pêche au cousin de son épouse, mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter parce qu’il connaissait très peu le cousin en question.

M. Hussen a accordé des contrats d’une valeur de 93 000 $ à la sœur d’un de ses employés, mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter parce qu’il s’agissait de services de communication.

Mme Ng a accordé des contrats d’une valeur de 20 000 $ à sa meilleure amie pour des appels Zoom, mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter parce qu’elle cherchait à obtenir des conseils en relations publiques.

Distinguez-vous une tendance, monsieur le leader? Les Canadiens en ont assez. Quand ce favoritisme prendra-t-il fin?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je n’accepte tout simplement pas que l’on dise qu’il s’agit de favoritisme. Vous avez cité — comme vous l’avez déjà fait à de nombreuses reprises — une foule de choses sur lesquelles vous ne cessez de revenir. Je ne répondrai pas à chacune d’entre elles.

Le voyage du premier ministre, celui de ses vacances les plus récentes, a été approuvé par l’ancien commissaire à l’éthique avant les faits. Il ne s’agit pas d’une question de favoritisme. Je serai franc. Personnellement, je m’oppose à la façon dont vous qualifiez l’ancien gouverneur général du Canada dans cette question et dans d’autres.

Les affaires étrangères

L’ingérence étrangère

L’honorable Leo Housakos : Honorables collègues, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, bien que votre gouvernement se soit montré obscur quant à l’idée de mettre en place un registre des agents étrangers, le premier ministre a récemment tenté de donner l’impression de soutenir l’idée, tout en avertissant qu’il ne s’agirait pas d’une solution miracle. Le premier ministre a l’habitude de tenir un double discours.

Aujourd’hui, un député du gouvernement a déposé une pétition à la Chambre des communes pour demander l’abandon pur et simple de l’idée même d’un registre des agents étrangers. Le premier ministre lui-même cite maintenant l’internement de milliers de Canadiens d’origine japonaise et italienne pendant la Seconde Guerre mondiale pour expliquer pourquoi le gouvernement prend son temps sur cette question.

(1430)

Sénateur Gold, nous avons déjà entendu ces arguments auparavant, de la part de nulle autre que Pékin, et son porte-parole est ici même au Canada. Non seulement ces deux sujets n’ont rien à voir l’un avec l’autre, mais pourquoi le premier ministre a-t-il recours à des tactiques utilisées par les brutes communistes de Pékin pour effrayer les personnes qu’il devrait s’efforcer de mieux protéger ici même, au Canada? Pourquoi fait-il leur sale boulot et le gros du travail?

Une voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, le gouvernement mène des consultations concernant la possibilité et la façon de créer un registre des agents étrangers, et il le fait dans les règles. Il est normal que l’opinion des Canadiens varie à ce sujet, car nous vivons dans une société diversifiée.

Le premier ministre ne tient pas de double discours, pas plus qu’il ne sert de porte-parole. Franchement, dénigrer ainsi ceux qui soulèvent des questions au sujet des dommages collatéraux qu’une telle initiative pourrait avoir à cette étape des consultations et les étiqueter comme des porte-parole d’un régime communiste ne rend pas service aux Canadiens qui, en toute bonne foi, souhaitent — tout comme le présent gouvernement — que nous disposions des bons outils pour contrer l’ingérence étrangère, en plus des outils qui sont déjà à notre disposition et que nous utilisons.

Je le répète, chers collègues, les consultations ont débuté. Le gouvernement prend ce dossier au sérieux, mais il est aussi à l’écoute des Canadiens, comme nous devrions nous y attendre.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, il y a déjà un certain temps que votre gouvernement remet à plus tard l’établissement d’un registre des agents étrangers afin de lutter contre l’intimidation et l’ingérence auxquels s’adonnent des États étrangers ici même au Canada.

Une voix : C’est exact.

Le sénateur Housakos : Il a notamment souvent annoncé la tenue prochaine de consultations publiques.

D’après ce que je sais, il y a effectivement des consultations en ligne en ce moment, et le ministre Mendicino a rencontré un groupe de personnes en Colombie-Britannique la semaine dernière. Malgré tout, des membres des communautés de la diaspora avaient peur de participer et de se faire prendre.

Le fait que votre gouvernement brandisse le risque d’un possible internement n’arrange pas les choses. Une telle image crée vraiment un climat de peur parmi les Canadiens des diverses diasporas.

Quoi qu’il en soit, j’espère obtenir une réponse directe, puisque le gouvernement a sûrement prévu un processus. Voici ma question : que se passera-t-il quand le processus de consultation prendra fin, le 9 mai? Quelles seront les étapes suivantes? Vous engagez-vous à déposer au Sénat, avant le 9 mai, la liste des étapes qui suivront les consultations au sujet du registre des agents étrangers, ainsi que l’échéancier prévu?

Le sénateur Gold : Le gouvernement mène des consultations pour s’informer; il ne prend pas de décisions avant que le processus consultatif soit terminé et que les résultats en aient été analysés.

Cela dit, vous avez demandé une réponse simple. Une fois que les consultations seront terminées, des décisions seront prises. Dès que ce sera fait, elles seront annoncées.

L’agriculture et l’agroalimentaire

La politique fiscale

L’honorable Robert Black : Ma question s’adresse au sénateur Gold, le représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, comme nous le savons tous, les agriculteurs canadiens constituent la pierre angulaire de l’économie canadienne. En tant que défenseur des agriculteurs, des entreprises de transformation et de nos concitoyens des régions rurales, je suis particulièrement préoccupé par les nombreux enjeux qui continuent d’engendrer des difficultés indues pour le secteur agricole. La pénurie de main-d’œuvre, le changement climatique, les modifications constantes de la réglementation et la gestion de la chaîne d’approvisionnement ne sont que quelques-uns de ces enjeux.

Ces enjeux ont un dénominateur commun : ils alourdissent le fardeau financier des agriculteurs et de leur famille. Les agriculteurs sont forcés d’accepter les prix; ce ne sont pas eux qui les fixent. Pour soutenir la concurrence sur le marché, ils sont souvent forcés d’assumer le coût de décisions indépendantes de leur volonté. Voilà pourquoi j’interviens aujourd’hui.

Sénateur Gold, étant donné que votre gouvernement impose des taxes sur des taxes, il est plus difficile pour nos agriculteurs de soutenir la concurrence sur le marché. J’ai récemment reçu copie d’une facture d’un agriculteur de la région de Guelph, en Ontario. Trish et Dean Scott ont fait appel à moi au sujet de la hausse des coûts auxquels leur exploitation agricole est confrontée parce qu’ils sont forcés de payer des taxes sur des taxes.

Chers collègues, ces agriculteurs doivent non seulement payer la taxe fédérale d’accise sur le diésel et la taxe sur le carbone sur le mazout, mais ils doivent aussi payer la taxe de vente harmonisée sur les deux premières taxes. Soyons clairs, il s’agit de taxes sur une taxe — ou devrais-je dire, d’une taxe sur une taxe qui s’ajoute à une taxe sur une taxe.

Sénateur Gold, pourriez-vous expliquer au Sénat pourquoi les agriculteurs, ainsi que tous les Canadiens, doivent payer des taxes que le gouvernement applique sur d’autres taxes? Pourriez-vous nous dire ce que fait le gouvernement canadien pour arrêter de taxer des taxes?

Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question et d’avoir soulevé le nombre de défis auxquels les agriculteurs canadiens sont confrontés.

Je suis heureux que vous ayez parlé des changements climatiques, car les agriculteurs sont parmi les premiers à en subir les conséquences, qu’il s’agisse d’inondations, de sécheresses ou de tempêtes. Dans la région où je vis, mes amis producteurs de sirop d’érable n’ont pas eu la tâche facile cette année pour entailler leurs arbres, à cause des changements climatiques.

Le gouvernement s’attache à prendre des mesures environnementales partout au pays tout en soutenant la compétitivité des agriculteurs qui nourrissent les Canadiens et le monde entier. Voilà pourquoi le gouvernement a pris un certain nombre de mesures. Il a déjà exempté l’essence et le diésel à usage agricole de la tarification de la pollution. Il a créé un supplément de remboursement pour les régions rurales, qui permet de remettre directement les recettes perçues en proportion du montant perçu par la voie de la tarification de la pollution, ce qui se traduit par 100 millions de dollars remis aux agriculteurs en 2021-2022 et 120 millions de dollars en 2022-2023. Au cours des deux dernières années, le gouvernement a investi 1,5 milliard de dollars dans des programmes visant à aider les agriculteurs à réduire leurs émissions à la ferme et à développer leurs activités. Cela comprend un programme de 0,5 milliard de dollars pour l’achat d’équipement plus propre, comme des séchoirs à grains et des systèmes de chauffage de grange plus efficaces sur le plan énergétique.

Je pourrais continuer, mais je pense que cela démontre l’engagement du gouvernement.

Encore une fois, comme je l’ai dit à maintes occasions dans cette enceinte, nous faisons ce qu’il faut pour notre planète, notre environnement ainsi que pour les agriculteurs canadiens, qui sont victimes des changements climatiques autant que chacun d’entre nous. Cependant, le gouvernement fait de son mieux pour atténuer les effets de ces mesures nécessaires sur certaines personnes qui doivent assumer des coûts, comme les agriculteurs.

La justice

La Charte canadienne des droits et libertés

L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au leader du gouvernement du Sénat, et elle porte sur la Charte canadienne des droits et libertés.

Cette semaine, on soulignait le 41e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés. Ce document enchâssé dans la Constitution du Canada établit des principes clés qui définissent l’identité canadienne, la société canadienne et les valeurs du pays. Elle établit l’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que les droits des Autochtones qui remontent à la Proclamation royale de 1763, et elle contient des protections contre la discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur ou la religion. Cependant, nous risquons d’assister à l’érosion de ces droits et libertés à cause du recours à la disposition de dérogation et des attaques contre les droits des minorités que nous voyons notamment dans le système judiciaire, dans des slogans ou dans certaines campagnes en ligne.

Sénateur Gold, selon vous, dans quelle mesure les droits et libertés visés par la Charte sont-ils protégés, et que devons-nous faire pour en défendre le caractère sacré?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question.

La Charte est un élément fondamental et transformateur de notre Constitution depuis son adoption en 1982, et elle a eu des retombées qui ont dépassé les attentes de ceux et celles qui avaient fait pression pour sa création et travaillé fort pour qu’elle voie le jour.

Elle a transformé le travail que nous faisons au Sénat. Elle est devenue un élément de plus en plus présent dans nos discussions et notre rôle en tant que sénateurs, car nous devons nous assurer que les lois qu’on nous demande d’examiner et éventuellement d’adopter tiennent compte des droits des Canadiens garantis par la Charte et les respectent.

Il est vrai que le recours préventif à la disposition de dérogation est un point qui préoccupe plusieurs d’entre nous ainsi que le gouvernement, comme le premier ministre l’a indiqué à de nombreuses occasions.

Nous devons nous rappeler que la disposition de dérogation fait partie de la Charte et qu’elle faisait partie de l’entente qui a permis le rapatriement de la Constitution. Le gouvernement est d’avis qu’il faudrait y avoir recours de manière judicieuse et non de manière irresponsable. Cette question est actuellement devant les tribunaux, comme vous le savez.

Je suis toutefois convaincu que la Charte a transformé de bien des manières la façon dont nous, les Canadiens, nous percevons, et je crois qu’elle protège bien nos droits et libertés. Chose certaine, ils sont bien protégés au Sénat.

Le sénateur Cardozo : Certains croient que la Charte garantit le nouveau phénomène qu’est le « droit d’offenser ». D’autres, dans le convoi de l’année dernière, croyaient que la Charte leur donnait le droit de garer indéfiniment leurs véhicules devant les édifices du Parlement. Nous avons l’impression d’assister à une montée de la polarisation, de l’extrémisme et de l’anarchie.

La protection des droits de la personne garantis par la Charte permettrait-elle l’anarchie?

(1440)

Le sénateur Gold : Sénateur Cardozo, vous éveillez le professeur de droit en moi!

L’une des contributions de la Charte canadienne au discours public sur les droits a été de préciser, dans l’article 1 de la Charte, que les droits, quelle que soit l’ampleur de leur formulation, ne sont pas absolus dans le sens où ils ne seraient pas soumis à d’autres droits, intérêts ou considérations faisant contrepoids. À cet égard, la Charte, comme toutes les chartes, reconnaît la nécessité de placer des paramètres et des limites autour de l’exercice de droits qui seraient autrement illimités.

La Constitution a un principe de base — et pas seulement parce que « la paix, l’ordre et le bon gouvernement » sont mentionnés dans le préambule —, selon lequel la Constitution et les institutions existent pour assurer l’ordre, la liberté et la justice. Si je comprends bien ce que vous entendez par « anarchie », je pense qu’elle est incompatible avec ce principe. Je pense que la Charte est là pour protéger les droits qui doivent être exercés dans le contexte du cadre constitutionnel de notre démocratie libérale.

[Français]

Les affaires étrangères

Les déplacements du premier ministre

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement.

Monsieur le représentant du gouvernement, mardi, je vous ai posé une question assez simple. Vous avez pris l’engagement d’obtenir la réponse. La question est tellement simple que je suis convaincu que si je demandais aux sénateurs qui habitent dans des hôtels, lorsqu’ils ont quitté l’hôtel ce matin, s’ils ont payé leur chambre d’hôtel avant de partir, ils seraient tous en mesure de répondre oui ou non assez rapidement.

J’étais représentant du gouvernement, et je sais qu’un représentant du gouvernement a accès au premier ministre facilement. Dans mon cas, je le rencontrais deux fois par semaine, au minimum. C’est facile de poser la question au premier ministre : est-ce que vous avez payé votre chambre d’hôtel? Avez-vous la réponse? Pouvez-vous nous confirmer que le premier ministre a payé sa chambre d’hôtel? Je parle toujours du Prospect Real Estate Villas, à Ocho Rios, en Jamaïque.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La réponse simple est non, je n’ai pas de réponse.

Le sénateur Carignan : Monsieur le représentant du gouvernement, la chambre est disponible la semaine prochaine à Ocho Rios, au Prospect Real Estate. Elle coûte 53 541 $ pour sept jours. Malheureusement, le Sénat siège, je ne pourrai pas y aller. Pourquoi le premier ministre a-t-il tendance à louer des chambres d’hôtel à plus de 6 000 $ par nuit? D’où lui vient ce besoin de louer des chambres d’hôtel à plus de 6 000 $?

Le sénateur Gold : Malheureusement, je le répète, je n’ai pas de réponse à cette question.

[Traduction]

Le Cabinet du premier ministre

Le mandat du rapporteur spécial indépendant

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, le premier ministre accablé par les scandales continue de nommer ses amis intimes et ses relations de la Fondation Trudeau pour se sortir de l’eau chaude. Le premier ministre Trudeau ne cesse de mettre le rapporteur spécial David Johnston dans une situation épouvantable, et il a maintenant structuré le mandat de M. Johnston de manière à ce qu’il semble financièrement incité à conclure qu’il ne devrait pas y avoir d’enquête publique sur l’ingérence électorale de Pékin.

M. Johnston sera rémunéré à hauteur de 1 600 $ par jour pour son travail, en plus de la pension annuelle à vie de 150 000 $ qu’il perçoit à titre d’ancien gouverneur général. S’il conclut en mai qu’il faut mener une enquête publique, ses services de rapporteur spécial ne seront plus nécessaires et ses indemnités journalières cesseront.

Sénateur Gold, il semble que l’on cherche à dissimuler la vérité : pourquoi le premier ministre ne dit-il pas la vérité aux Canadiens et n’ouvre-t-il pas tout simplement une enquête publique?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Wow. Sénatrice Batters, c’est toute une insinuation de laisser entendre que l’honorable David Johnston, l’ancien gouverneur général, serait influencé par des indemnités journalières qui sont l’équivalent de quelques heures de travail pour des professionnels — vous qui étiez avocate, mais c’est peut-être différent pour les avocats de Bay Street — ou tout autre montant.

La suggestion, l’insinuation ou l’affirmation que l’honorable David Johnston serait en quelque sorte influencé par ses indemnités journalières et que cela modifierait ses conseils au premier ministre est vraiment quelque chose — je ne trouve pas le langage parlementaire approprié pour exprimer ce que je ressens à entendre que cette question est posée sérieusement et que vous me demandez d’y réponde. Avec tout le respect que je vous dois, cette question ne mérite pas de réponse.

La sénatrice Batters : Sénateur Gold, c’est ainsi que le mandat est structuré. Le mandat de M. Johnston prévoit de très nombreux paramètres, notamment examiner l’ingérence étrangère dans les élections, tant celle d’hier que d’aujourd’hui; examiner toutes les communications entre le Cabinet du premier ministre, les ministres du gouvernement Trudeau et leurs cabinets sur cette question pour découvrir ce qu’ils savaient, à quel moment ils l’ont su et ce qu’ils ont fait ou n’ont pas fait à ce sujet; déterminer ce que le Service canadien du renseignement de sécurité avait recommandé pour lutter contre l’ingérence étrangère; résoudre toute question en suspens que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement n’ont pas réglée; recommander :

[...] les changements dans la conception institutionnelle et la coordination des moyens gouvernementaux déployés pour assurer une protection contre l’ingérence électorale ou lutter contre celle-ci; et

Faire rapport sur toute autre question d’importance connexe.

Comment diable une seule personne peut-elle faire toutes ces choses? J’imagine que c’est pour cette raison que les libéraux avaient besoin d’un rapporteur spécial. M. Johnston est censé présenter un rapport provisoire sur tous ces points d’ici le 23 mai, puis continuer à exercer ses fonctions de rapporteur jusqu’au 31 octobre.

Toutefois, s’il décidait le mois prochain qu’il devrait y avoir une enquête publique, que resterait-il au rapporteur à examiner? Le premier ministre Trudeau a structuré le mandat de M. Johnston de manière à apaiser les Canadiens et à remplacer une enquête publique par un processus moins transparent confié à un ami de la famille digne de confiance et membre de la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau.

Quand le gouvernement cessera-t-il de nous jeter de la poudre aux yeux et déclenchera-t-il une enquête publique?

Le sénateur Gold : Comme je l’ai dit à maintes reprises, le rapporteur spécial, l’honorable David Johnston, conseillera le premier ministre. Quand ces conseils seront donnés, puis examinés, des décisions seront prises et annoncées.

Les affaires étrangères

Le Traité sur le commerce des armes de l’Organisation des Nations unies

L’honorable Marilou McPhedran : Sénateur Gold, après plus de huit ans de conflit armé au Yémen, des preuves accablantes révèlent des violations des droits de la personne et des infractions au droit humanitaire international par toutes les parties belligérantes, y compris le Royaume d’Arabie saoudite, qui mène une intervention militaire au Yémen depuis mars 2015 et qui a mené des attaques généralisées contre des cibles civiles.

Depuis le début de la guerre, le Canada a exporté pour plus de 8 milliards de dollars d’armes vers l’Arabie saoudite, y compris les types d’armes déployées au combat. Depuis que j’ai interrogé le gouvernement par votre intermédiaire, de nombreux rapports d’experts internationaux ont spécifiquement dénoncé la poursuite des exportations d’armes du Canada, indiquant qu’elles perpétuent la crise.

Dans le cadre d’une demande d’accès à l’information, un rapport interne d’Affaires mondiales a récemment été publié, dans lequel on indiquait que le Canada discute, à l’interne, de la valeur économique de la poursuite de cette pratique avec l’Arabie saoudite. Ces transferts d’armes violent l’obligation du Canada en vertu du Traité sur le commerce des armes auquel le gouvernement a adhéré en 2019. L’article 11 du traité oblige le Canada à prendre des mesures pour empêcher le détournement de ses exportations d’armes vers des pays tiers. D’autres pays ont cessé leurs exportations d’armes. Or, l’Arabie saoudite est désormais la principale destination non américaine des armes canadiennes.

Sénateur Gold, pourquoi le Canada ne respecte-t-il pas ses obligations en vertu du Traité sur le commerce des armes en mettant fin à ses exportations d’armes vers l’Arabie saoudite?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je vous remercie aussi de mettre en lumière la tragédie qui se déroule actuellement au Yémen. Ce n’est malheureusement pas la seule région aux prises avec une telle situation.

Depuis 2020, le gouvernement a mis en place un processus selon lequel les permis d’exportation d’armes ne sont plus accordés automatiquement : chaque demande doit être étudiée individuellement. Le Canada continue de procéder ainsi. Le gouvernement continuera de suivre ce processus pour s’assurer que la conduite de l’industrie est responsable.

(1450)

La sénatrice McPhedran : J’aurais une question rapide. Dans le document obtenu à la suite d’une demande d’accès à l’information qui a été révélé dernièrement par la publication The Breach, on voit qu’Affaires mondiales Canada attache beaucoup d’importance au fait que l’Arabie saoudite constitue un marché important pour des entreprises canadiennes, notamment en raison de grands contrats d’infrastructure accordés à SNC-Lavalin et à Bombardier.

Pourriez-vous m’aider à comprendre comment cela concorde avec la politique étrangère féministe du Canada?

Le sénateur Gold : C’est une bonne question, à laquelle je ne suis pas vraiment en mesure de répondre adéquatement. Les liens que nous entretenons avec le reste du monde — qu’ils soient commerciaux, politiques, stratégiques, axés sur le partage de renseignements ou d’une autre nature — sont complexes, polycentriques et pluridimensionnels. Par conséquent, il survient évidemment des tensions et des tiraillements entre les divers objectifs que poursuit notre politique étrangère.

La politique étrangère féministe du Canada est un engagement sérieux qu’a pris le gouvernement. Elle est d’ailleurs admirée et reprise par d’autres États et continuera de l’être, bien que nous vivions dans un monde compliqué et désordonné et que les gestes que nous posons au nom des Canadiens, des entreprises et des particuliers ne concordent peut-être pas toujours avec ce qui devrait être prioritaire du point de vue de chacun.

La justice

La Société Radio-Canada

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, au moment où CBC/Radio-Canada couvrait la campagne électorale fédérale de 2019, elle a également décidé d’intenter une poursuite contre le Parti conservateur du Canada relativement à des extraits vidéo et des publicités. Le 13 mai 2021, la Cour fédérale du Canada a rejeté cette poursuite avec dépens.

Pendant la période des questions du 1er juin 2021 au Sénat, j’ai demandé ceci :

Combien d’argent public la société a-t-elle dépensé dans cette affaire? Combien d’argent devra-t-elle verser au Parti conservateur? Est-ce que la personne responsable de la décision d’intenter cette ridicule poursuite a été renvoyée de la société?

Je n’ai pas encore reçu de réponse. Une question écrite semblable que j’ai fait inscrire au Feuilleton le 25 mai 2021 demeure sans réponse. Il s’agit d’événements qui se sont produits il y a deux ans, monsieur le leader. CBC/Radio-Canada connaît les réponses à mes questions.

Il y a plus de deux mois, soit le 14 février, je vous ai reposé une question à ce sujet, et vous m’avez dit que vous vous renseigneriez. Qu’avez-vous découvert? Combien cette poursuite a-t-elle coûté aux contribuables?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Eh bien, je n’ai pas de réponse à vos questions et je ne suis pas le représentant de CBC/Radio-Canada au Sénat. Je sais qu’il est devenu plutôt courant dans certains milieux, notamment dans votre parti, d’affirmer que CBC/Radio-Canada est un organe de propagande du gouvernement libéral, malgré toutes les preuves du contraire. Malgré les faits et les protestations, j’imagine que, dans le nouveau monde dans lequel certains habitent, les faits ne semblent pas avoir d’importance.

Je me suis renseigné, mais je n’ai pas de réponse.

Le sénateur Plett : En 2019, 10 jours avant que les Canadiens ne se rendent aux urnes pour les élections fédérales, CBC/Radio-Canada a utilisé l’argent des contribuables, c’est-à-dire celui du gouvernement — dont, à titre de leader du gouvernement au Sénat, vous êtes le représentant —, pour intenter un procès au Parti conservateur. CBC/Radio-Canada a continué ses poursuites pendant un an et demi avant d’être déboutée. En refusant de répondre à mes questions, CBC/Radio-Canada a dissimulé le coût financier de cette affaire pour les Canadiens.

Sommes-nous censés croire que le fait que les vidéos auxquelles CBC/Radio-Canada s’est opposée critiquaient le premier ministre Trudeau et son gouvernement n’est qu’une pure coïncidence? Par exemple, l’une des vidéos que CBC/Radio-Canada ne voulait pas que les électeurs voient était tirée d’une assemblée publique organisée à Edmonton au début de 2018. Au cours de celle-ci, le premier ministre a déclaré à un ancien combattant qu’il en demandait plus que ce que le gouvernement était prêt à lui offrir. Ses propos honteux ont été largement diffusés. CBC/Radio-Canada a tout de même décidé de poursuivre le Parti conservateur.

Cette semaine, le premier ministre a affirmé que CBC/Radio-Canada est une institution canadienne fondamentale. Est-ce que le fait de dissimuler des informations aux Canadiens pendant deux ans est digne d’une institution fondamentale, oui ou non, sénateur Gold? Combien ces poursuites ont-elles coûté?

Le sénateur Gold : La décision de CBC/Radio-Canada d’intenter des poursuites contre le Parti conservateur ou toute autre entité est une décision qui a été prise par cette dernière et qui n’a rien à voir avec le gouvernement.

Pour ce qui est de la provenance des fonds, qu’il s’agisse de recettes publicitaires ou de recettes provenant des contribuables, comme vous l’avez affirmé sans en avoir la moindre idée, il s’agit également d’une question qui relève de la direction de CBC/Radio-Canada et, par conséquent, du conseil d’administration de CBC/Radio-Canada, et non du représentant du gouvernement au Sénat.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Adoption de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Que le Sénat prenne acte de l’intention déclarée du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénatrice Gagné, appuyée par l’honorable sénateur Tannas,

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par substitution, dans le deuxième paragraphe, aux mots « l’intention déclarée », des mots « l’assurance publique ».

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je pense que le débat sur l’amendement a été ajourné à mon nom, Votre Honneur, mais je vais retirer cela. Je vais laisser la parole au sénateur Housakos, qui, je pense, a quelques mots à dire sur l’amendement avant que nous ne soyons prêts à passer au vote.

L’honorable Leo Housakos : Je veux débattre de l’amendement proposé par le sénateur Tannas — encore une fois, je remercie le sénateur Tannas de toujours essayer de trouver des compromis dans cette enceinte. Il arrive aussi que nous, législateurs, entendions un tel mécontentement de la part de tant de Canadiens à l’égard d’un projet de loi du gouvernement, comme le projet de loi C-11, que nous ayons l’obligation à la fois constitutionnelle et morale, je pense, de faire en sorte que leurs voix soient entendues.

Je tiens à rappeler aux députés que notre comité, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, a mené une étude très approfondie. Nous avons étudié le projet de loi C-11 en profondeur, malgré les pressions de la part du gouvernement, comme beaucoup d’entre nous le savent, et, à de nombreuses occasions, des sénateurs d’en face. Il y a eu un refus d’entendre tous les témoins.

Tout au long de l’étude, nous avons appris que les créateurs de contenu numérique du Canada se faisaient servir des promesses creuses et faisaient l’objet d’intimidation et de menaces, que ce soit de la part du comité de l’autre endroit ou des médias. Vous ne pouvez pas le nier, sénateur Gold, vous ne le pouvez juste pas. Tout est là. Les témoins que nous avons entendus ont tout corroboré. Je n’invente rien. Lisez le rapport, chers collègues, parce que le comité a entendu 140 témoins en près de 70 heures, et c’est sans parler des 67 mémoires qu’il a reçus. Il s’agit d’une étude d’une ampleur et d’une profondeur inédites pendant laquelle nous avons entendu beaucoup de monde. Le résultat, nous le comprenons tous, c’est que le projet de loi C-11 est loin de faire l’unanimité.

Le milieu de la création numérique est en plein essor. Il compte des millions de Canadiens de tous les horizons pour qui les plateformes numériques où ils diffusent leur travail, leur art et leurs produits de communication constituent une part essentielle de leur existence. Il est vrai que le numérique constitue une part essentielle de nos vies. Or, ces gens sont inquiets, et leurs préoccupations doivent être prises en compte dans le projet de loi et dans la loi en général.

Je suis ici depuis assez longtemps pour savoir que, lorsque plusieurs gouvernements de suite — quelles qu’en soient les couleurs — hésitent à donner suite aux propositions du Sénat, ils nous font taire en nous demandant de présenter nos observations au sujet des projets de loi. Ils nous abreuvent de lettres, de promesses et d’engagements flous sur leur détermination à examiner les questions qui nous occupent et à tenir compte de l’avis du Sénat.

Je me rappelle qu’il y a quelques années, nous avons adopté un projet de loi important sur l’état de stress post-traumatique qui provenait du député Todd Doherty et que j’avais eu l’honneur de parrainer ici. Nous l’avions appuyé à l’unanimité, si vous vous rappelez bien, car il partait d’excellentes intentions. J’ai appris beaucoup de choses, d’ailleurs. J’ai appris que, quand on présente un projet de loi d’initiative parlementaire qui prévoit un cadre ou qui suppose une action quelconque de la part du gouvernement, mieux vaut avoir un échéancier.

Devinez ce qui s’est passé depuis que nous avons adopté à l’unanimité une mesure demandant un cadre sur l’état de stress post-traumatique? Absolument rien. Trois ans plus tard, les premiers intervenants souffrent toujours. On va évidemment nous répondre qu’on peut interpeller le ministre ou son sous-ministre. On peut toujours se plaindre après coup. Le travail accompli pour ce projet de loi était vraiment animé de bonne foi. Je reçois encore des appels de la part de premiers intervenants — de leurs parents, épouses, maris et enfants — et ils souffrent.

(1500)

Tâchons de tirer des leçons de nos expériences et d’éviter de refaire constamment la même chose. Répéter les mêmes gestes, c’est la définition de la folie. C’est pour cela que rien ne se règle à Ottawa et que nous sommes ensuite réduits à donner des excuses aux intervenants pour justifier le statu quo.

Le moment est venu pour nous de défendre les millions de personnes qui se sont adressées au comité. Le gouvernement prétend avoir rejeté l’amendement qui aurait exclu le contenu généré par les utilisateurs parce qu’il veut donner au CRTC une certaine souplesse dans le cadre du processus de consultation sur le cadre réglementaire. Il sacrifie la clarté de la loi soi-disant pour garantir la clarté du processus de consultation. Est-ce que quiconque ici trouve que cela est sensé?

Le gouvernement a également indiqué qu’il avait examiné une échappatoire qui, si l’amendement était adopté, permettrait à des plateformes comme YouTube et TikTok de tirer profit de la diffusion d’événements tels que la Coupe du monde ou le Concours Eurovision de la chanson sans avoir à investir dans le paysage culturel du Canada. Ce sont les exemples qu’a utilisés le gouvernement.

Lorsque ces plateformes diffusent ce genre d’événements ou quelque chose comme une partie de la Ligue majeure de baseball, elles le font dans le cadre d’accords sur les droits de radiodiffusion avec les détenteurs de droits. Il ne s’agit pas d’un contenu généré par un utilisateur, mais d’un contenu sous licence téléchargé par le fournisseur lui-même, et il est couvert par l’alinéa 4.1(2)a). En d’autres termes, l’utilisation de ce type de contenu est déjà assujettie à la loi et n’est pas affectée d’un iota par cet amendement du Sénat.

Le sénateur Gold se contredit également lorsqu’il assure que le contenu généré par les utilisateurs n’est pas inclus dans le champ d’application du projet de loi et déclare que le contenu téléchargé par les utilisateurs qui contient de la musique n’est pas visé par la réglementation. C’est ce qu’il a dit dans son discours.

The Weeknd est un artiste que j’ai découvert au cours de l’étude et que mes enfants aiment beaucoup. J’ai toujours pensé que le week-end, c’était le samedi et le dimanche, et pour nous, les sénateurs, le vendredi, le samedi et le dimanche, mais c’est une autre histoire.

Lorsque les enfants font des défis de danse sur une chanson de The Weeknd, le gouvernement veut explicitement que cela soit inclus dans le champ d’application du projet de loi, ce qui est précisément ce que les maisons de disque ont dit ne pas vouloir.

Même en expliquant pourquoi il a rejeté les amendements les plus importants du Sénat — que, encore une fois, des milliers de créateurs qui privilégient le numérique nous ont demandé d’apporter —, le gouvernement se contredit une fois de plus.

Par ailleurs, tout cela est insensé, puisque l’amendement proposé par le Sénat à l’article 4 n’a aucune incidence sur la capacité du gouvernement de percevoir de l’argent auprès des plateformes. L’article 4 n’a rien à voir avec les obligations financières; il porte sur les obligations à l’égard des émissions.

C’est plutôt l’article 11 qui établit le pouvoir réglementaire d’imposer des obligations financières à des entreprises comme YouTube et TikTok; ce sont des dispositions qui n’ont rien à voir avec celles de l’article 4 qui portent sur la réglementation du contenu.

Lorsqu’on affirme, comme le gouvernement l’a fait, et comme le sénateur Gold l’a fait hier, que l’amendement que nous avons proposé à l’article 4 empêcherait le gouvernement d’établir des obligations financières, c’est de la foutaise, ou je devrais dire plutôt que c’est faux, et c’est loin de justifier le rejet des amendements du Sénat visant à protéger le contenu généré par les utilisateurs et à protéger les créateurs canadiens ainsi que leur gagne-pain.

Honorables collègues, les diffuseurs en continu, les blogueurs et le nouveau monde numérique génèrent des recettes de plusieurs milliards de dollars pour le gouvernement et permettent d’investir des milliards de dollars dans les arts et la culture au Canada. Encore une fois, selon les témoignages entendus par notre comité, en 2023, les arts et la culture au Canada ont connu une croissance d’une ampleur sans précédent. Je dirais même qu’il n’y a pas assez d’artistes, d’acteurs, de producteurs et de capitaux canadiens pour permettre à tous les artistes du pays de réaliser des films et des documentaires.

Le choix parmi les sources journalistiques et les blogues indépendants n’a jamais été aussi vaste qu’aujourd’hui sur les plateformes, car ces gens n’ont plus besoin de la permission du CRTC ni de Patrimoine canadien. Ils n’ont plus besoin de demander de l’argent au Fonds des médias du Canada ou à l’Office national du film du Canada. Ils obtiennent du financement ailleurs parce que les possibilités sur les plateformes numériques sont illimitées.

Chers collègues, j’aimerais conclure en disant que, même si j’apprécie les bonnes intentions du sénateur Tannas… Je dois dire que je sens beaucoup de bonne volonté, et après deux gouvernements de suite, c’est d’ailleurs ce que j’ai toujours constaté de la part de notre institution et de notre assemblée. Comme je le disais, j’ai beau apprécier les bonnes intentions du sénateur — et veuillez me pardonner, car mon commentaire se veut non partisan —, je ne fais pas confiance aux gouvernements qui nous promettent d’agir et nous demandent de leur faire confiance ou qui nous répètent que tel ou tel élément n’a pas besoin d’être ajouté au texte législatif du moment. J’ai été témoin de ce genre de scénario de nombreuses fois, sénateur Tannas. Nous sommes tous les deux ici depuis un bon bout de temps, et ce film-là, je l’ai déjà vu.

Chers collègues, nous avons le droit constitutionnel, pour ne pas dire l’obligation, de mettre notre pied à terre et de demander au gouvernement de revoir sa position. Ce que nous demandons n’a rien de nouveau, car des millions de Canadiens veulent que ce soit écrit noir sur blanc dans la loi.

Merci beaucoup.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion d’amendement de l’honorable sénatrice Gagné est adoptée avec dissidence.)

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, je propose pour commencer quelques réflexions sur les obligations, les pouvoirs et les droits constitutionnels du Sénat, qui ont été redéfinis à point nommé dans le contexte d’un gouvernement qui ne cherche qu’à faire adopter son projet de loi.

Au Canada, les projets de loi doivent être approuvés par les deux Chambres. Nous sommes ici pour proposer des observations réfléchies sur les projets de loi, pour demander des comptes aux gouvernements et pour résister à l’accumulation inutile de pouvoirs par les gouvernements.

Nous ne sommes pas tenus par la loi ni par la Constitution de nous en remettre à la Chambre élue, qui a des droits et des pouvoirs, tout comme le Sénat.

Un second examen objectif n’est pas seulement une tournure de phrase, c’est une obligation que nous avons. Nos amendements ne sont pas le fruit des caprices d’un groupe de discussion désigné. Nous sommes des parlementaires. Nous sommes des membres d’une Chambre légitime ayant une voix légitime et une contribution valable à apporter. Nous ne devons pas simplement être tolérés, recevoir une tape dans le dos ou nous faire dire que nous avons fait du bon travail en comité, mais que nous devons maintenant retourner dans notre chambre.

À la Chambre élue, les députés ministériels ont fait fi du processus des comités et du processus de consultation. Leur arrogance était choquante. Nous n’avions pas d’autre choix que d’offrir aux Canadiens une voix et une tribune pour exprimer leurs préoccupations légitimes à propos de ce projet de loi sans précédent. Ces préoccupations ont été entendues, et nos amendements reposent sur ces témoignages.

Je suis profondément déçue que le gouvernement ait rejeté l’amendement le plus important. Les chiffres ne sont pas tout. Certes, le gouvernement a accepté certains de nos amendements, alors nous devrions les compter et nous en réjouir. Celui qui a été rejeté était essentiel au projet de loi. Nos collègues les sénatrices Miville-Dechêne et Simons, qui partagent bon nombre des préoccupations que d’autres personnes et moi avons à l’égard du projet de loi, ont proposé un libellé qui offrirait à une génération de créateurs de contenu l’assurance qu’ils ne seraient pas visés par les dispositions du projet de loi et, par extension, par les pouvoirs réglementaires et financiers du CRTC.

Le gouvernement a déclaré que les créateurs de contenu n’étaient pas censés être visés par le projet de loi. Nous lui avons proposé le libellé, mais il l’a explicitement rejeté. Les universitaires, les experts et, bien sûr, les créateurs de contenu ont dit craindre que le gouvernement puisse décider de réglementer l’ensemble de leur secteur aux termes des dispositions du projet de loi.

Si le gouvernement voulait vraiment s’assurer que les créateurs de contenu ne soient pas soumis aux dispositions intrusives du projet de loi, il devrait l’inscrire dans la loi.

Je pense que la justification du rejet du gouvernement, soit le document présenté par le sénateur Gold, révèle son véritable point de vue. Il veut avoir le pouvoir, aujourd’hui et à l’avenir, d’exercer un plus grand contrôle sur le contenu en ligne qui est, bien sûr, publié sur Internet.

Le message expliquant pourquoi l’amendement a été rejeté indique ceci :

… parce qu’il affecterait la capacité du gouverneur en conseil de tenir des consultations publiques et d’émettre des instructions en matière de politique à l’intention du CRTC afin d’établir la portée appropriée de la réglementation des services de médias sociaux en ce qui a trait à leur distribution d’émissions commerciales, et empêcherait le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques au fil du temps;

(1510)

Il est probable que vous ne puissiez comprendre ce que cela signifie sans avoir assisté aux dizaines, voire aux centaines d’heures de travail de notre comité, mais il s’agit d’un coup de force cynique. Avec tout le respect que je dois à la sénatrice Simons, il ne s’agit pas seulement d’une légère entrave à la liberté d’expression, mais d’une menace implicite. Le gouvernement n’avait peut-être pas l’intention de le faire, mais, par son langage, il nous a mis la puce à l’oreille et a avoué ce qu’il avait l’intention de faire depuis le début.

Il est clair aujourd’hui que le gouvernement veut pouvoir contrôler le contenu des utilisateurs qu’autorise le CRTC, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, et conserver ce pouvoir de réglementation à l’avenir. Ce pouvoir sera accordé au gouvernement en place et à tous les gouvernements qui suivront, leur donnant à tous la capacité de diriger la politique du CRTC sur, entre autres, le contenu canadien, sans même définir ce que cela signifie. Le gouvernement devrait avoir pour mission de promouvoir et de protéger les contenus sélectionnés. C’est donc incroyable qu’il puisse décider d’exclure d’autres contenus de la politique du CRTC.

Sans l’amendement du Sénat, le projet de loi vise toujours les baladodiffusions, les vidéos YouTube et les autres types de contenu qui n’ont pas encore été créés. Le gouvernement cherche à pouvoir réglementer de futures avenues ou de futurs types de contenu généré par les utilisateurs sans même avoir à passer par le Parlement, évitant ainsi les débats et les études. Comme des ministres l’ont déjà laissé entendre au cours de ce débat qui s’est étiré sur des années, ils veulent exercer un plus grand contrôle sur le contenu qu’ils pourraient désapprouver ou qu’ils souhaiteraient rendre moins accessible parce qu’il critique le gouvernement. Il ne s’agit pas d’une théorie du complot. C’est ce que certains ministres ont exprimé tout haut et publiquement.

Ce serait une erreur de penser qu’en imposant un fardeau réglementaire de plus en plus lourd aux services de diffusion en continu et aux créateurs de contenu — et en accordant au gouvernement en place la capacité de dicter la politique du CRTC pour contrôler le contenu — nous obtiendrons en quelque sorte un meilleur contenu et un plus grand accès à des sources diversifiées d’information. C’est plutôt l’antithèse de la liberté d’expression dans une société démocratique.

Imposer des quotas de contenu canadien par l’entremise du soi-disant concept de la découvrabilité représente également, en plus des préoccupations que j’ai déjà soulevées, des politiques ouvertement et exagérément protectionnistes qui avantageront un petit groupe et qui nuiront à la majorité. Cette approche va foncièrement à l’encontre du concept de l’Internet ouvert.

Je tiens à souligner la rigueur du travail accompli par mes collègues, que ce soit ici ou au comité, qui ont bien tenté de rendre le tout plus digeste pour les Canadiens, mais aussi plus juste et plus réaliste pour les créateurs de contenu. Le gouvernement a beau avoir rejeté le principal amendement de la Chambre de second examen objectif que nous sommes, je continue à croire que, si les véritables intentions du gouvernement se reflétaient vraiment dans ce texte, il aurait eu notre appui. Pour l’instant, ma conscience m’interdit de l’appuyer. Si ce que vous cherchiez, c’est un imprimatur démocratique, c’est ce que nous vous avons offert, puisque nous vous donnions l’occasion d’inscrire vos belles paroles et vos promesses dans la loi.

L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, c’est un véritable plaisir pour moi de parler du projet de loi C-11 à l’occasion de son retour devant le Sénat. Ce texte législatif tombe à point et il est nécessaire, car il actualise la Loi sur la radiodiffusion, qui a été adoptée il y a plus de 30 ans, en 1991, c’est-à-dire à une époque où Internet en était à ses balbutiements et où la programmation n’était pas encore dans l’air du temps. Pour avoir travaillé avec la loi de 1991 il y a de nombreuses années, quand j’étais commissaire au CRTC, je suis très bien placé pour vous dire qu’elle a besoin d’être mise à jour.

A cette étape-ci, notre tâche consiste à étudier les 26 amendements proposés par le Sénat et les 20 auxquels la Chambre des communes a donné son aval plus tôt ce mois-ci. Selon moi, c’est beaucoup, 26 amendements. Cela dit, la Chambre a approuvé 77 % de ce que lui proposions.

Quelle que soit l’issue du vote au Sénat, le processus auquel a été soumis ce projet de loi illustre parfaitement le fonctionnement de notre système bicaméral dans de ce qu’il a de meilleur et de pire. Un ministre présente un projet de loi à la Chambre. Cette dernière le renvoie à son tour au comité concerné, qui y apporte plusieurs amendements. Une fois adopté par la Chambre, le projet de loi est renvoyé au Sénat. Au terme d’un second examen objectif, le Sénat propose de nouveaux amendements et renvoie la mesure à la Chambre. Les députés, qui sont des représentants élus, acceptent la plupart de nos amendements et le projet de loi est renvoyé au Sénat, qui doit voter sur la mesure après s’être penché sur les amendements acceptés ainsi que sur ceux qui ont été rejetés. À cette étape, le projet de loi est soit renvoyé à la Chambre, soit transmis à la gouverneure générale pour la sanction royale et la proclamation qui précèdent la prise d’effet.

Cela dit, ce processus est également un exemple parfait du haut niveau de démagogie politique qu’il a entraîné, notamment à cause des tactiques dilatoires et des tentatives de financement qu’il a suscitées pendant de nombreux mois. Cette mesure a entraîné un énorme degré de mésinformation et de désinformation, mais demeure néanmoins un cas intéressant parce qu’elle a donné lieu à une campagne massive en ligne au cours des derniers mois. Il s’agit soit d’une exception à la norme qui consiste à élaborer les politiques de manière constructive, soit de la nouvelle norme qui consistera plutôt à mener des campagnes extraparlementaires partisanes et clivantes en évacuant complètement le caractère constructif. Il est fort regrettable de constater que les faits sont de plus en plus remplacés par des tactiques alarmistes et polarisantes.

J’appuie l’adoption de ce projet de loi, car il est grand temps de moderniser cette vieille loi pour tenir compte du monde en ligne étant donné l’évolution rapide du secteur de la production audiovisuelle et la présence toujours croissante des géants mondiaux du Web. Ce projet de loi, tel que modifié, inclut la plupart des éléments nécessaires dans ce monde en ligne qui est devenu si omniprésent depuis aussi loin que 1991.

Voici les lignes de faille que je relève dans ce débat. La discussion se résume ainsi : voulons-nous un minimum de surveillance exercée par une entité agissant sous l’autorité du Parlement et d’un gouvernement élu démocratiquement ou voulons-nous d’un far west contrôlé par les géants du Web comme YouTube, Netflix et Amazon Prime? Voulons-nous voir le gouvernement et la démocratie canadienne en action ou voulons-nous laisser libre cours aux caprices toujours changeants de milliardaires étrangers qui ont prouvé qu’ils se soucient peu, voire aucunement des gens et de la société, et encore moins des Canadiens? Contrairement à un organisme public canadien, nous n’avons pas le moindre recours à l’égard de ces géants du Web.

Quoi qu’en disent les nombreux messages qui nous sont envoyés, qu’ils soient authentiques ou générés par des algorithmes, ce projet de loi ne menace pas le contenu généré par les utilisateurs. Il ne menace ni la liberté d’expression, ni la liberté de religion, ni cette nouvelle chose à la mode appelée « la liberté d’offenser » qui, je le crains, se transformera en « liberté de haïr », puis, bientôt, les gens réclameront la protection de ces soi-disant droits et libertés dans la Charte.

L’article 2 du projet de loi C-11 énonce explicitement que les utilisateurs de services de médias sociaux qui téléversent des émissions pour les transmettre à d’autres et qui ne sont pas affiliés au service ne seront pas assujettis à la réglementation et l’article 4 précise que la loi ne s’appliquera pas aux émissions téléversées vers une plateforme de médias sociaux par des utilisateurs non affiliés du service. Ces exclusions prévues aux articles 2 et 4 signifient que les utilisateurs de médias sociaux pourront transmettre leur contenu sans être réglementés par le CRTC.

En ce qui concerne la liberté d’expression, l’article 12 précise que le conseil doit agir d’une manière qui respecte la liberté d’expression dont jouissent les utilisateurs de médias sociaux.

À mon avis, le projet de loi n’a jamais visé à opposer le CRTC à la population. Jusqu’à quel point pouvons-nous être naïfs? Les géants du Web ont-ils complètement pris le contrôle de notre capacité à penser? Pensons-nous tous qu’ils sont innocents et blancs comme la neige et que la démocratie est l’incarnation du diable?

(1520)

Soyons clairs. Lorsqu’on se penche sur le soutien au contenu en ligne, les chiffres qui proviennent des médias sociaux sont secrets et peuvent facilement être créés par des algorithmes entièrement manipulés par des robots et des trolls.

Comme nous sommes voisins des États-Unis, ce projet de loi porte plutôt sur le Canada, sur notre identité et sur ceux qui travaillent ici. Le Canada mène depuis longtemps un combat afin de bâtir sa propre culture et ses propres industries culturelles, et d’étendre ses auditoires culturels. Il porte sur notre pays, sur nos emplois et sur notre identité. Avec la croissance du monde numérique, ce combat est devenu plus urgent, pressant et difficile.

En tant qu’ancien commissaire du CRTC, j’aimerais dire un mot au sujet de cet organisme. Même si certains ont déjà cité un ancien président et un ancien commissaire national opposés au projet de loi C-11, je tiens à souligner qu’Ian Scott, le plus récent de ses anciens présidents et moi-même, un ancien commissaire national, l’appuyons sans réserve. Cela illustre parfaitement que le gouvernement nomme une variété de personnes à ce conseil. Cela démontre que le CRTC est une organisation dynamique connectée à la société et constituée de Canadiens aux opinions variées qui sont passionnés par les sujets qu’ils traitent. Ne me demandez surtout pas de commencer à m’exprimer avec passion sur ce sujet.

J’aimerais brièvement parler du processus décisionnel du CRTC. Il faut garder à l’esprit que les commissaires sont nommés par le gouvernement pour une période de cinq ans. Le site Web de l’organisation présente leur biographie et la durée de leur mandat respectif. Toutes les décisions du CRTC reposent sur des processus publics. D’ailleurs, tous les Canadiens peuvent y participer et exprimer leur point de vue. On ne parle pas de manigances secrètes, d’algorithmes incompréhensibles, de gouvernements étrangers, de partis politiques, ni de grandes multinationales.

En tant que sénateurs, nous avons la possibilité de rencontrer des lobbyistes jusqu’à la minute précédant un vote. Toutefois, les commissaires du CRTC doivent agir en toute transparence dans leurs discussions dès le premier jour d’une audience publique. Chaque élément de communication doit être rendu public — aucune conversation secrète.

J’aimerais vous raconter une anecdote qui est survenue quand je siégeais au CRTC, au tout début de mon mandat. C’était dans le cadre d’une audience pour une chaîne de télévision chrétienne avec deux entités concurrentes. La rivalité était intense. Laissez-moi vous dire que les parties ne faisaient pas preuve de charité chrétienne l’une envers l’autre. Contrairement à ce qu’enseigne la Bible, elles ne tendaient pas l’autre joue.

Il est arrivé au moins deux fois, pendant deux pauses, que des hommes me suivent dans les toilettes parce qu’ils voulaient attirer mon attention sur des points qu’il faudrait soulever pendant l’audience. J’ai dû leur expliquer que le lobbying devait avoir lieu dans le lobby, et non aux toilettes, et que s’ils me communiquaient des renseignements dans ces lieux, il me faudrait les divulguer à mon retour dans la salle d’audience. Il aurait pu être un peu embarrassant d’expliquer où et comment j’avais pris connaissance de ces renseignements.

J’étais au CRTC depuis peu et je ressentais le besoin de protéger ma réputation.

Le point à retenir, c’est que toutes les communications doivent être faites en public, au vu et au su de tous; on évite toute conversation secrète.

Cela dit, quand il s’agit de réglementer la technologie comme le prévoit la loi de 1991, la souplesse est essentielle. C’est en grande partie grâce à un article formulé en termes généraux que le CRTC a été en mesure de réglementer, et même de réglementer pour s’assurer que les Canadiens aient accès à Internet. L’alinéa 5(2)f) dit simplement ceci :

(2) La réglementation et la surveillance du système devraient être souples et à la fois :

f) permettre la mise au point de techniques d’information et leur application ainsi que la fourniture aux Canadiens des services qui en découlent;

Il s’agit d’une disposition qui a été introduite en 1991. Les gens n’avaient aucune idée de ce qu’allait être Internet et, pourtant, ces quelques mots, « permettre la mise au point de techniques d’information », ont permis au CRTC de réglementer Internet dans la mesure où il le fait en prenant des règlements subséquents.

Permettez-moi de vous donner un exemple concret de la façon dont la loi et les règlements peuvent faire avancer les choses. Il s’agit de l’exemple de la licence du Réseau de télévision des peuples autochtones, qui a été accordée lors d’une audition après 1998-1999.

La loi stipule au sous-alinéa 3(1)d)(iii) que le système de radiodiffusion doit refléter « la société canadienne ainsi que la place particulière qu’y occupent les peuples autochtones ».

C’est sur cette base que les candidats ont pu déposer leur demande, et c’est sur cette base que nous avons pu leur accorder une licence. Ensuite, on entre dans les détails, et c’est là que les règlements entrent en jeu, car nous devions prendre en compte trois types de contenu : le contenu canadien, le contenu francophone et la programmation autochtone. Il s’agissait d’une chaîne qui promettait de diffuser des programmes autochtones.

Si ces chiffres avaient été définis dans la loi, nous n’aurions pas pu faire ce que nous avons fait. Ce que nous avons fait, c’est élaborer une formule qui prévoit une grande proportion d’émissions autochtones — à peu près 90 % — et un contenu canadien un peu moins important que la normale parce qu’il n’y avait pas beaucoup d’émissions autochtones au Canada à l’époque. Il n’existait pas de système de télévision national et, par conséquent, il n’y avait pas beaucoup d’émissions autochtones produites au Canada.

Nous voulions également qu’il y ait des programmes en français, puisqu’il n’y aurait qu’une seule station. En ayant la possibilité de réduire le contenu canadien initialement, pour assurer la présence de contenu autochtone accessible dans le monde entier, nous avons pu leur donner une licence.

L’autre chose que nous avons pu faire, c’est de réglementer le mode de diffusion. D’une part, nous leur avons imposé une redevance obligatoire — c’est-à-dire que tous ceux qui reçoivent APTN devaient payer une redevance de 18 cents par mois — ainsi qu’une disponibilité obligatoire.

Aujourd’hui, chaque chaîne au Canada est soit payante, comme CBC News Network ou Sportsnet, soit obligatoirement diffusée, comme CBC ou CTV. Personne d’autre n’a les deux. Toutefois, comme il s’agissait de règlements, nous avons pu utiliser les deux pour fournir à APTN la licence qui garantissait sa viabilité.

Voici ce qu’il en est de la loi et de sa réglementation. Si on incluait toute la réglementation dans la Loi sur la radiodiffusion, d’une part la loi serait beaucoup plus longue, et, d’autre part, il serait presque impossible de la modifier pour tenir compte de l’évolution de la technologie et des besoins des Canadiens.

Autrement dit, les lois du Canada qui découlent de l’adoption d’une mesure législative par la Chambre des communes et par le Sénat tendent à demeurer en place pendant 15, 20 ou 25 ans peut-être — dans le cas qui nous intéresse ici, il s’agit de 30 ans. Les règlements pris au terme de consultations exhaustives sont plus faciles à modifier et à mettre à jour.

En conclusion, je tiens à dire ceci : une fois que le projet de loi C-11 sera adopté et que son intention sera claire et définitive, les consultations auront lieu et il sera possible de prendre des règlements. J’estime que ce projet de loi établit un équilibre juste et logique entre ce qui figure dans la loi et ce qui figurera dans la réglementation. Plus il y aura de détails dans la loi, moins il y aura de marge de manœuvre pour tenir compte de l’évolution de la technologie et des besoins des Canadiens.

J’aurais souhaité aborder quelques autres points, notamment au sujet des propos de certains députés et des promesses de certains partis politiques à l’égard de ce projet de loi, mais je dois m’arrêter ici faute de temps. Merci.

L’honorable Leo Housakos : Le sénateur Cardozo acceptera-t-il de répondre à une question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Comme hier, le temps dont nous disposons est presque écoulé.

Le sénateur Housakos : Je lui poserai ma question plus tard, en privé, autour d’une tasse de café.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je souhaite parler brièvement en faveur du message du Sénat concernant le projet de loi C-11, auquel le sénateur Tannas a proposé une modification au libellé qui, d’après ce que je comprends, a été approuvée par le représentant du gouvernement.

Même si j’aurais préféré que l’autre endroit appuie tous les amendements que le Sénat a proposés au projet de loi C-11, à mon avis, le fait qu’elle a accepté la majorité de ces amendements et qu’elle a pris, ou exprimé, un engagement plus ferme envers l’indépendance du contenu généré par les utilisateurs répond aux attentes légitimes de cette assemblée.

Mes remarques porteront moins sur le projet de loi en tant que tel — le sénateur Cardozo ayant très bien répondu aux questions à cet égard — que sur le rôle institutionnel du Sénat, de même que les limites de son autorité aux termes du cadre constitutionnel — du partenariat, si on peut dire — entre notre assemblée, l’autre endroit et les Canadiens.

(1530)

Permettez-moi de commencer par une métaphore. Nous sommes nombreux à vivre une relation amoureuse. Dans le cadre d’une telle relation, je voudrais que vous imaginiez que vous avez convenu de laisser votre partenaire ou conjoint décider où vous prenez vos vacances chaque été. Cette année, votre conjoint ou partenaire vous informe que vous passerez vos deux semaines de vacances à l’Île‑du-Prince-Édouard. Vous l’écoutez, mais vous lui dites que vous préféreriez passer deux semaines à Regina.

Votre conjoint ou partenaire vous donne la réponse suivante : « D’accord, j’ai écouté. Je vais modifier le plan. Nous passerons une semaine à l’Île-du-Prince-Édouard et une semaine à Regina. Puisque tu aimes tant la plage, nous louerons un chalet près de l’océan. » Vous entendez la réponse et vous répondez : « Non, je veux vraiment que nous passions deux semaines à Regina. » Sans surprise, votre conjoint ou partenaire répond : « Quelle partie de “c’est moi qui décide où nous allons en vacances” n’as-tu pas comprise? »

Plus important encore, cette façon de prendre ou de ne pas prendre des décisions peut mettre la relation à rude épreuve et finir par la compromettre.

Dans le contexte qui est celui de la relation — ou du partenariat institutionnel — entre le Sénat et l’autre endroit, les questions de cette nature sont autrement plus conséquentes. Quant à savoir qui des deux a le dernier mot, l’accord entre les deux Chambres est profondément ancré dans la Constitution. Il ne s’agit donc pas d’une négociation entre les dirigeants des deux institutions, mais d’un accord issu de l’architecture constitutionnelle du pays. Le cadre à l’intérieur duquel évolue cette relation est donc non négociable.

Pour ce qui est de savoir qui décide et combien de fois le partenaire qui n’a pas le pouvoir de prendre la décision finale peut dire « non, moi je veux aller à Regina », quelques éléments peuvent guider notre réflexion.

Je suis loin d’être un spécialiste, alors je me suis fié à d’autres qui connaissent mieux cette grande question que moi. Commençons par remercier ceux qui doivent l’être. Le magnifique ouvrage Réfléchir sur notre passé pour aborder notre avenir, par la sénatrice Seidman et l’ancien sénateur Joyal, permet de mieux comprendre le Sénat et ses pouvoirs, mais aussi les limites à ses pouvoirs. Emmett Macfarlane a publié dernièrement un livre sur le Sénat portant le titre plus ou moins élégant de Constitutional Pariah. Je me suis également reporté à l’arrêt rendu en 1914 par la Cour suprême du Canada à la suite du renvoi sur la réforme du Sénat ainsi qu’à divers documents que la Bibliothèque du Parlement a réunis pour moi et qui traitaient de l’étendue des pouvoirs de la Chambre haute et analysaient la doctrine de Salisbury. Les employés du sénateur Quinn se sont aussi penchés sur la question, et j’ai pu profiter de leurs travaux.

Par ailleurs, je recommande ces lectures et probablement la lecture d’autres documents d’information, et j’aurais aimé en prendre connaissance dès mon arrivée au Sénat.

Le principe relatif à Salisbury — que je ne mentionnerai que brièvement — a une histoire très précise à la Chambre des lords britannique, mais il se résume ainsi : la Chambre haute doit faire preuve de déférence à l’égard des politiques et du programme législatif de l’assemblée élue, en particulier si ces derniers faisaient partie d’un programme électoral envers lequel le parti au pouvoir s’était engagé.

J’en viens maintenant à mes arguments. Je ne soutiendrai pas que le principe de Salisbury est une convention entièrement applicable à notre cadre, mais plutôt qu’il offre une orientation sur ce que j’appellerai l’autorité démocratique limitée d’une Chambre non élue du Parlement.

Bien plus profondément que mon objection permanente aux vacances à l’Île-du-Prince-Édouard, l’objection permanente à la volonté de l’autre Chambre remet en question la relation elle-même, et il est utile de garder à l’esprit que la structure de la relation est en fait un accord collectif entre les parlementaires et les personnes qu’ils représentent, et c’est à nos risques et périls que nous y dérogeons.

L’argument de base qui constitue implicitement le fondement de cet accord est que la volonté de l’assemblée élue représente essentiellement la volonté du peuple. Et si la volonté de l’assemblée élue fait fausse route, il existe un mécanisme politique — les élections — grâce auquel les membres de l’assemblée élue et le gouvernement qui dirige cette assemblée peuvent être tenus de rendre des comptes. On ne peut pas dire que ce soit le cas de cette enceinte dont les membres ne sont pas élus.

J’ai un autre point à soulever à propos de ce raisonnement, mais je tiens à formuler, à ce stade, deux observations qui me semblent très pertinentes dans le cadre du Sénat.

Nous jouissons d’une latitude relativement à la reddition de comptes et d’un degré d’indépendance qui sont très différents de ceux l’autre endroit, et différents de ceux de presque toutes les autres institutions publiques du pays. Comme il en a été question hier lors de la discussion sur la question initialement soulevée par le sénateur Downe, la combinaison du principe du privilège parlementaire, des attentes à l’égard des sénateurs selon lesquelles ils doivent s’exprimer avec audace et fermeté et du pouvoir limité du Président de réglementer les observations confère aux sénateurs un degré d’indépendance remarquable.

Sur ce point, certains ont fait valoir que cela élargissait pour ainsi dire nos « libertés ». À mon avis, c’est le contraire. Cette situation nous oblige non pas à étendre la portée de notre latitude vis-à-vis de la contrainte, mais à autoréguler ce pouvoir dans l’intérêt de l’institution et par respect pour celle-ci.

Cela s’applique aussi aux décisions que le Sénat doit prendre comme institution, par exemple s’il doit continuer de faire pression sur la Chambre des communes pour qu’elle adopte les amendements au projet de loi C-11 qu’elle a rejetés. Autrement dit, il insisterait pour passer ses vacances à Regina.

Ma deuxième observation est la suivante : si le Sénat non élu cherche à imposer sa volonté de façon plus musclée — en se livrant, disons, à un « troisième examen objectif » motivé surtout par des convictions politiques —, cela pourrait avoir un effet boomerang. En effet, à un moment donné, il y aura un changement de gouvernement. Certains espèrent que cela se produira bientôt.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Cotter : D’autres, en revanche, espèrent que cela se produira plus tard, voire jamais.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Cotter : Quoi qu’il en soit, ce jour arrivera. À ce moment-là, le chef de l’opposition se rendra de l’autre côté pour occuper un autre siège au Sénat; le leader du gouvernement fera probablement le chemin inverse pour occuper un siège de l’opposition ou d’un autre groupe. J’imagine qu’ils s’arrêteront au milieu de la salle pour échanger leurs cartables. Le chef de l’opposition remettra son cartable de questions et de critiques, et le leader du gouvernement remettra son cartable de réponses ou, comme le sénateur Plett le dirait, de « non-réponses ».

À ce moment-là, un Sénat plus musclé, plus axé sur la confrontation et moins tenu de rendre des comptes aura toute la liberté, en s’appuyant sur ce précédent potentiel, d’entraver inlassablement les initiatives du nouveau gouvernement.

Par conséquent, pour les sénateurs qui ont envie de s’opposer à la volonté de l’assemblée élue dans ce cas-ci — et, en toute honnêteté, je serais moi-même tenter de le faire sur un ou deux points —, il est important de penser aux conséquences négatives à long terme de l’approche qu’ils souhaitent peut-être ardemment adopter aujourd’hui, mais qu’ils pourraient regretter.

Mon dernier point porte sur le lien établi entre la « volonté du peuple » et une initiative en particulier. Je chercherai à déterminer si ce lien est bien réel ou s’il est plutôt ésotérique, puisqu’il est fondé sur le seul fait qu’un gouvernement donné a été élu — à certains égards, c’est le talon d’Achille du principe de Salisbury.

Pouvons-nous citer une initiative particulière et prouver que cette initiative est liée à la volonté du peuple? Il n’y a pas de preuve irréfutable, mais il existe au moins une preuve tangible si un gouvernement, lors de sa campagne électorale, s’est engagé à prendre une initiative, s’il a été élu et s’il met en œuvre cette initiative.

Ainsi, en plus du principe général, plus le cœur d’une initiative du gouvernement est proche d’un engagement électoral, plus il est justifié de respecter la volonté de l’autre endroit.

C’est le cas ici. L’engagement de réformer la Loi sur la radiodiffusion faisait partie du programme électoral de 2021 du parti au pouvoir, et du discours du Trône.

En conclusion, le Sénat a fait son travail. Nous avons examiné cette mesure législative en long et en large, comme nous l’avons presque tous indiqué, tant au sein du comité qu’ici dans cette enceinte. Nous avons proposé une série de considérations réfléchies, dont bon nombre ont été adoptées, et certaines ont été rejetées. Nous avons préparé un modeste « troisième examen objectif » non législatif.

Notre travail, dans les limites de notre pouvoir constitutionnel, a été fait et bien fait. Il ne serait pas judicieux, à mon avis, d’aller plus loin, de résister davantage, car nous dépasserions, selon moi, les limites de notre pouvoir institutionnel. Nous devrions souligner ce bon travail et féliciter ceux qui sont derrière et qui nous ont convaincus d’adopter les amendements proposés par le Sénat et de dire oui à la version modifiée de ce message. Entendons-nous donc pour passer nos vacances à l’Île-du-Prince-Édouard. Merci beaucoup.

(1540)

Le sénateur Housakos : Le sénateur Cotter accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Cotter : Oui.

Le sénateur Housakos : Je vous remercie. Je tiens à rappeler qu’il est écrit noir sur blanc dans la Constition que vous invoquez que, lorsque nos ancêtres ont créé le Sénat, il avait les mêmes pouvoirs, privilèges et prérogatives que la Chambre des communes, comme l’exige le régime de Westminster.

Nous devons aussi garder à l’esprit, chers collègues, que, quand le Sénat a été créé, le « père de la Confédération », John A. Macdonald, a clairement dit qu’il serait indépendant de l’autre endroit et qu’il devait être le porte-voix de ceux qui n’étaient pas représentés adéquatement à l’autre endroit.

Un premier ministre après l’autre — et je pourrais vous donner des tonnes d’exemples, à commencer par l’ancien premier ministre Chrétien et même l’ancien premier ministre Harper, qui avait pourtant du mal à reconnaître la légitimité de notre institution —, tous ont répété que, lorsqu’un gouvernement élu pose un geste qu’un grand nombre de Canadiens jugent odieux, c’est au Sénat d’intervenir et de faire entendre leur voix, car il a la légitimité pour ce faire.

Voici ma question : je dois admettre que votre intervention m’a beaucoup inquiété. Si le Sénat a perdu une bonne partie de sa légitimité aux yeux de la population depuis quelques dizaines d’années, c’est sans doute parce qu’elle se demandait si celui-ci n’était pas au fond qu’un club de débat plus prestigieux que les autres et une chambre d’écho.

Le sénateur Cotter : Je ferai deux observations, si vous le permettez sénateur Housakos.

Premièrement, il est fort probable que, à un certain moment dans l’avenir, quelqu’un fasse des observations comme celles que vous venez de faire et que vous répondiez exactement comme je le fais.

Deuxièmement, j’estime très discutable votre argument selon lequel une affirmation continue du pouvoir parlementaire par une assemblée non élue est un moyen d’améliorer la confiance du public dans l’institution que constitue le Sénat. Merci.

L’honorable Percy E. Downe : Je remercie le sénateur Cotter de son intervention. Je tends à souscrire à la plupart de ses observations. Cela dit, je suis sûr qu’il n’a pas fait exprès de ne pas expliquer plus en détail tous les rôles que le Sénat a joués au fil des années.

Il y a de nombreux exemples de situations où le Sénat a rejeté la proposition de la Chambre des communes. Le meilleur exemple est probablement l’engagement que le gouvernement conservateur a pris avant les élections de 1993 à l’égard de l’aéroport de Toronto. L’opposition libérale a promis que, si elle était élue, elle allait annuler cette décision. M. Chrétien a remporté les élections, et son gouvernement était majoritaire à la Chambre des communes. La Chambre a adopté les changements proposés pour annuler la décision. Le projet de loi a ensuite été renvoyé au Sénat, et les sénateurs libéraux ont eux aussi voté contre la proposition, car ils voyaient cela comme une loi rétroactive.

Le parti de l’opposition a pris un engagement électoral, il a remporté les élections et il a tenu parole, mais le Sénat a rejeté la proposition de la Chambre des communes tout de suite après les élections.

Il y a des exceptions à toutes les règles. J’estime que ce n’est pas toujours nécessaire, mais il y a des situations où le Sénat devrait s’opposer à la volonté de la Chambre des communes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Downe, avez-vous une question?

Le sénateur Downe : Êtes-vous du même avis?

Le sénateur Cotter : J’ai compris la question. Je suis un peu troublé que quelqu’un de votre province n’ait pas au moins souligné la métaphore que j’ai utilisée. Cela dit, je ne suis guère un expert — puis-je terminer ma réponse?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, y a-t-il consentement pour accorder au sénateur Cotter le temps de terminer sa réponse?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Cotter : J’ai deux brèves observations à formuler, sénateur Downe, et je vous remercie de vos réflexions. Dans mes recherches, qui n’étaient pas absolument exhaustives, j’ai trouvé deux exemples. Vous en avez cité un, et l’autre exemple est celui de l’accord de libre-échange. J’accepte l’idée qu’il puisse facilement y avoir des exceptions, mais, à mon avis, il doit s’agir d’exceptions vraiment très importantes. Je ne pense pas que ce soit le cas ici. Merci.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, j’imagine que le moment est venu pour moi de prendre la parole, puisque les discours précédents mènent à ce que je vais dire. Je devrais peut-être dire : « C’est au tour du juge. »

Honorables sénateurs, aux termes de la Loi constitutionnelle de 1867, les deux Chambres doivent s’entendre sur le libellé d’un projet de loi avant que ce dernier puisse être envoyé à Rideau Hall pour la sanction royale en vue de son entrée vigueur.

Lorsque les deux Chambres travaillent de façon réellement indépendante, il est possible que la Chambre à laquelle est renvoyé un projet de loi après son étude dans la Chambre d’où il émane arrive à la conclusion, après son étude, que le projet de loi doive être amendé.

Évidemment, le Règlement du Sénat contient des dispositions qui s’appliquent dans une telle situation. Celles-ci se trouvent au chapitre 16, intitulé « Messages au Sénat et rapports avec la Chambre des communes ». Le Règlement parle des échanges de messages entre les deux Chambres et de la façon de traiter ces messages.

Vous le savez, nous avons apporté 26 amendements au projet de loi C-11 adopté par la Chambre des communes et nous avons envoyé un message à l’autre endroit pour l’en informer. Le gouvernement a passé en revue ces amendements et a proposé d’en adopter 18 tel quel et 2 avec des modifications et de rejeter les 6 autres. Après délibération, la majorité des députés — les élus de trois partis — ont accepté la proposition du gouvernement minoritaire et un message a été envoyé au Sénat pour nous en informer.

Dans une telle situation, l’article 16-3(2) prévoit que le Sénat peut accepter le message de la Chambre des communes ou insister — je le répète, insister —, sur un ou plusieurs de ses amendements, malgré le rejet initial de ceux-ci par la Chambre. À mon avis, le Sénat ne devrait insister sur un amendement rejeté que dans des circonstances très précises, compte tenu du rôle de chaque Chambre et de la relation qu’elles doivent entretenir en vertu de la Constitution.

En d’autres termes, à ce stade-ci du processus parlementaire, nous devons adopter une approche fondée sur des principes et ne pas nous fier à nos opinions politiques, économiques, sociologiques, ou autres, sur le projet de loi.

En ce qui concerne le rôle du Sénat dans notre démocratie, la Cour suprême du Canada a déclaré dans le Renvoi relatif à la réforme du Sénat qu’en vertu de la Constitution, notre rôle était celui d’un « organisme législatif complémentaire chargé de porter un second regard attentif aux projets de loi ».

La Cour en est arrivée à cette conclusion parce qu’en vertu de la Constitution, les députés doivent être élus, tandis que les sénateurs sont nommés par la Couronne. Ainsi, seuls les députés sont tenus de rendre des comptes aux électeurs sur les projets de loi que le Parlement est susceptible d’adopter.

Dans un article détaillé sur le sujet, publié en 2019 dans le National Journal of Constitutional Law, le sénateur Harder a écrit que le Sénat doit :

[faire] preuve de retenue par rapport aux projets de loi mettant en œuvre la plateforme électorale du gouvernement lorsque ceux-ci ont reçu l’aval de la Chambre des communes, conformément aux principes sous-jacents de la Convention de Salisbury (ce qui n’exclut aucunement des amendements qui amélioreraient le projet de loi).

 — et —

[...] comme le veut la tradition, qu’il respecte la volonté de la Chambre lorsque celle-ci a refusé, modifié, ou adopté certains amendements du Sénat, mais pas tous; [...]

(1550)

Je suis d’accord. Je suis toujours d’accord avec le sénateur Harder. S’il en était autrement, on se trouverait à remplacer notre démocratie par une oligarchie dont les membres sont nommés. Ainsi, les opinions politiques d’un sénateur indépendant ne devraient pas être une raison suffisante pour insister sur l’adoption d’un amendement. De plus, selon notre Constitution, les tribunaux sont les arbitres ultimes dans les débats sur l’étendue des droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés ou sur la répartition des pouvoirs entre le Parlement du Canada et les provinces. C’est pour cette raison que, lorsque l’étendue des droits garantis par la Charte n’est pas clairement établie, nous devons nous adresser aux tribunaux pour qu’ils rendent une décision à ce sujet. Par ailleurs, les cas où nous devrions insister sur un amendement parce qu’il correspond à l’idée que nous nous faisons de l’étendue du droit en question sont rares, voire inexistants.

[Français]

À l’occasion de l’étude du projet de loi C-45 sur la légalisation du cannabis, et après avoir consulté de nombreux précédents et lu beaucoup d’auteurs, j’ai offert une grille d’analyse en cinq questions que je me permets de reprendre.

Premièrement, le rejet d’un amendement, s’il est accepté, entraînera-t-il l’adoption d’une loi qui constituera une violation manifeste ou très probable de la Constitution ou de la Charte des droits et libertés? Si la réponse n’est pas évidente, il faut laisser aux tribunaux la mission de répondre à cette question.

Deuxièmement, l’objet du projet de loi a-t-il été un enjeu de la campagne électorale pour le gouvernement, ou s’agit-il plutôt d’une question extrêmement controversée pour laquelle le gouvernement n’a pas reçu de mandat lors des dernières élections?

Troisième question : la preuve faite devant les Chambres démontre-t-elle que les assises pour rejeter un amendement sont clairement mal fondées et que le message reçu est manifestement déraisonnable sur ce point?

Quatrième question : le rejet de l’amendement démontre-t-il que la majorité des députés veut porter atteinte aux droits d’une ou de plusieurs minorités? Démontre-t-il un mépris des droits linguistiques ou favorise-t-il une région au détriment d’une autre?

Cinquième et dernière question : le message de la Chambre des communes écarte-t-il un amendement visant à prévenir des préjudices irréparables à l’intérêt national?

[Traduction]

À mon avis, vu la réponse aux cinq questions que je viens d’énumérer, le message concernant le projet de loi C-11 ne justifie d’insister sur aucun des amendements rejetés. En réponse à la première question, je ferai remarquer que le rejet d’aucun des six amendements n’entraînera de violation manifeste de la liberté d’expression. Je reconnais que Michael Geist, un expert du droit d’Internet de l’Université d’Ottawa, exhorte le Sénat à insister sur l’amendement lié au contenu généré par les utilisateurs. Dans sa lettre d’opinion publiée le 11 avril dans le Globe and Mail, M. Geist dit :

Les pouvoirs de réglementation conférés par le projet de loi C-11 risquent de mener à la rétrogradation de contenu généré par les utilisateurs dans le fil des abonnés, rendant ces voix plus difficiles à trouver.

Toutefois, dans la même lettre d’opinion, M. Geist confirme que le projet de loi C-11 ne censurera personne.

Le débat sur le projet de loi C-11 se caractérise par un discours survolté dans les deux camps : certains soutiennent que le projet de loi n’aura pas d’incidence sur le contenu généré par les utilisateurs alors qu’il est évident qu’il en aura, tandis que d’autres insistent pour dire qu’il censurera ce que les Canadiens peuvent dire en ligne, alors que ce n’est pas le cas.

En ce qui concerne le rejet de l’amendement proposé par les sénatrices Simons et Miville-Dechêne, une chose importante à considérer, selon moi, est que tout éventuel règlement du CRTC régissant le contenu des médias sociaux devra d’abord franchir les étapes d’un processus officiel — comme nous en informe le sénateur Cardozo — qui prévoit notamment la publication du projet de règlement de même que des occasions, pour les parties intéressées, de faire valoir leur point de vue.

Il y a aussi un niveau supplémentaire de surveillance du fait que le gouverneur en conseil peut donner des instructions au CRTC et que celles-ci doivent être d’application générale. Ces balises nous protègent contre les propositions sur la liberté d’expression qui pourraient aller trop loin. De plus, tous les règlements à venir devront se conformer à la Charte canadienne des droits et libertés et seront sujets à contestation devant un tribunal fédéral. Les tribunaux fédéraux seront toujours là et continueront de former un rempart supplémentaire pour la protection des droits. J’en conclus donc que le rejet des six amendements ne constitue pas une violation claire de la Charte.

Passons à la deuxième question : ce projet de loi aborde-t-il un sujet extrêmement controversé à propos duquel le gouvernement n’a pas reçu mandat d’agir? La réponse est bien évidemment non. Le projet de loi C-11 figurait dans la plateforme électorale d’au moins trois partis politiques aux deux derniers scrutins et, dans le contexte minoritaire qui est le nôtre, il a été adopté par une majorité de députés représentant ces trois partis.

Ma troisième question porte sur les données et la documentation fournies aux deux Chambres : permettent-elles d’établir de manière non équivoque que le rejet de tel ou tel amendement est manifestement déraisonnable? En fait, ce serait même le contraire. Selon ce qu’on en sait, les principales parties intéressées approuvent le gouvernement d’avoir rejeté le plus important des amendements à avoir été mis de côté.

Après avoir reçu le message du Sénat, le gouvernement a répondu que l’amendement en question l’empêcherait de mener des consultations publiques et de donner des instructions au CRTC afin qu’il définisse adéquatement la porte des règlements encadrant les composantes des réseaux sociaux ayant trait aux programmes commerciaux et pourrait empêcher le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques à venir.

[Français]

En outre, je note que la position privilégiée par l’autre endroit, telle qu’elle a été proposée par le gouvernement, est soutenue par la Coalition pour la diversité des expressions culturelles (CDEC). Située à Montréal, cette organisation représente 360 000 créateurs francophones et anglophones et 2 900 entreprises du milieu culturel canadien.

Le 31 mars dernier, après l’adoption par les députés du message proposé par le gouvernement, le coprésident de la CDEC, Bill Skolnik, a déclaré ceci, et je cite :

Dans un climat acrimonieux et marqué par la désinformation, nous saluons le travail et le courage des élu(e)s qui, depuis deux ans, appuient sans relâche le secteur culturel et veillent à la pérennité de notre souveraineté culturelle.

Hélène Messier, coprésidente du même organisme, a pour sa part indiqué ce qui suit, et je cite :

Au cours des derniers mois, les sénateurs et sénatrices se sont livrés à une analyse rigoureuse du projet de loi, lui apportant certaines améliorations. Nous saluons leur travail, mais les invitons aujourd’hui à prendre acte des décisions des élu(e)s et à faire cheminer, le plus rapidement possible, le projet de loi dans son état actuel vers la sanction royale.

Enfin, l’Association des professionnels de l’édition musicale du Québec a déclaré ce qui suit dans un communiqué de presse :

Les députés ont accepté certaines améliorations proposées par le Sénat, tout en rejetant certains amendements rédigés de manière problématique [...]

Donc, dans ce cas-ci, la preuve n’indique pas que la position du gouvernement n’est pas soutenue.

Je passe à la quatrième question. Le rejet de certains amendements est-il indicatif d’un mépris à l’égard de groupes minoritaires, de droits linguistiques ou d’une région? Manifestement pas. Le but de ce projet de loi est de favoriser l’expression des groupes minoritaires et de leur accorder une place dans le monde des médias virtuels.

[Traduction]

Enfin, la Chambre a-t-elle rejeté un amendement du Sénat visant à prévenir des torts irréparables à l’intérêt national? Rien dans ce que j’ai entendu ne me permet de conclure que l’on pourrait répondre oui pour l’un ou l’autre des six amendements. Rien ne permet d’affirmer que l’adoption de ce message causerait des torts irréparables à l’intérêt national.

En somme, notre rôle constitutionnel consiste aujourd’hui à accepter ce message et à renvoyer le projet de loi C-11 à Rideau Hall pour qu’il reçoive la sanction royale.

Merci beaucoup. Meegwetch.

L’honorable Andrew Cardozo : J’ai une petite question. Merci, sénateur Dalphond. Vos explications, ainsi que celles du sénateur Cotter, sont très intéressantes. Toutefois, vous avez tous les deux mentionné qu’il fallait adopter ce projet de loi même si on ne l’aime pas et que cette pilule est dure à avaler. Que faire alors si l’on est satisfait du message de la Chambre des communes? Est-il toujours approprié de le soumettre au vote? Ne vaudrait-il pas mieux éviter toute cette discussion très intéressante?

(1600)

Le sénateur Dalphond : Je suppose que c’est un peu comme dans les tribunaux. Le premier critère est celui de l’impression générale. Si elle est bonne, je suis porté à favoriser la réponse. Toutefois, ce n’est pas le critère à appliquer dans ce cas.

Ce qui importe dans le cas présent, c’est de respecter ce que nous dicte notre rôle constitutionnel pour faire suite à ce message. Certains aiment le message, d’autres non, mais ce n’est pas la réponse à fournir.

La réponse à fournir est de déterminer si, après analyse, nous avons l’autorité constitutionnelle de dire non et d’insister sur un ou plusieurs amendements. La réponse, comme j’ai tenté de l’expliquer dans mon discours, est qu’il n’y a aucune raison qui justifie d’insister sur l’un ou l’autre des six amendements rejetés. Merci.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la réponse du gouvernement aux amendements proposés par le Sénat au projet de loi C-11.

Chers collègues, après des mois de réunions du comité sénatorial et le témoignage de 140 personnes, comme l’a souligné plus tôt le sénateur Housakos, dont des Canadiens qui, de leur propre aveu, n’avaient jamais témoigné devant un comité parlementaire, nous avons la réponse du gouvernement aux amendements que le Sénat a proposé.

Cette réponse est claire et est la suivante : le gouvernement n’a que faire des préoccupations graves soulevées par les personnes venues témoigner devant le Comité sénatorial des transports et des communications.

Bien sûr, le gouvernement a fait de belles affirmations pour dire qu’il écoutait et qu’il avait soigneusement étudié les amendements du Sénat. Lorsqu’il s’est exprimé sur la question, le ministre Rodriguez a prétendu que le gouvernement acceptait la majorité des amendements. Si on fait le calcul, cette affirmation semble être techniquement vraie.

Or, si on prend en compte l’essence des amendements acceptés par le gouvernement, on constate qu’il a rejeté tous les amendements plus substantiels proposés par le Sénat.

La vérité, c’est que, dans sa réponse, le gouvernement a jugé tolérables les amendements qui n’avaient pas d’incidence réelle sur le projet de loi. Si un amendement allait avoir une incidence importante sur le projet de loi, il a été rejeté par le gouvernement.

C’est l’essence de la réponse du gouvernement et je sais que de nombreux Canadiens sont très déçus.

Lorsque le ministre a comparu devant le Comité des transports et des communications le 22 novembre dernier, il a fait la déclaration suivante :

Je suis né avec l’esprit ouvert [...] alors [...] Le principe général est que nous sommes ouverts à [...]

 — des amendements —

[...] mais ce projet de loi a été proposé après de nombreuses consultations sur l’ancien projet de loi, le projet de loi C-10, que vous avez aussi étudié. À présent, le projet de loi C-11 a été étudié, et il y a eu des consultations à l’échelle du pays. Vous avez accueilli quelque 120 témoins, ce qui est incroyable. Vous avez fait un travail incroyable. Nous croyons que ce projet de loi est bien équilibré, mais nous sommes, évidemment, prêts à examiner [des] amendements.

Je pense que le mot clé dans cette réponse est que le ministre et le gouvernement étaient prêts à « examiner » les amendements. Cependant, certains sénateurs sont probablement mécontents du fait qu’ils ont consacré très peu de temps à cet examen.

Le rejet de certains des amendements de fond du Sénat par le gouvernement révèle que nous avons un gouvernement qui n’est tout simplement pas disposé à entamer un dialogue sérieux avec les Canadiens qui ont des préoccupations fondamentales au sujet du projet de loi.

Chers collègues, nous devons à nouveau nous rappeler que les amendements de fond qui ont été proposés en relation avec le projet de loi C-11 ont été proposés après que le comité a entendu un nombre presque sans précédent de témoins sur cette mesure législative.

Il ne s’agit pas d’amendements que les sénateurs ont simplement conçus tout seuls.

De nombreux témoins très bien informés ont comparu devant notre comité. Il s’agit de témoins dont le gagne-pain sera affecté par ce projet de loi — des témoins qui étaient très préoccupés par les répercussions de ce projet de loi sur la liberté d’expression.

Le Sénat a essayé de parler au nom de ces nombreux Canadiens.

De mon point de vue, les amendements du Sénat ne sont pas allés assez loin pour répondre aux nombreuses préoccupations soulevées au sujet du projet de loi C-11.

De mon point de vue, amendements ou pas, le projet de loi C-11 reste un mauvais projet de loi qui comporte de graves lacunes.

Même les sénateurs nommés par le gouvernement en face ne pouvaient pas ignorer toutes les questions soulevées par les témoins après qu’elles ont été expliquées à plusieurs reprises au comité.

C’est pourquoi le Sénat a proposé et adopté 26 amendements concernant ce projet de loi.

Je reconnais, chers collègues, qu’en apportant ces amendements, le Sénat essayait d’assumer son rôle constitutionnel. Je crois qu’en ce qui concerne bon nombre des amendements apportés, le Sénat s’est exprimé au nom de la minorité politique du Canada.

C’est une minorité politique qui n’a pas vraiment été écoutée à la Chambre, où le gouvernement a écourté artificiellement le processus des audiences.

En substance, le Sénat a exercé son rôle en fournissant un second examen objectif.

Je crois qu’il serait approprié de passer en revue certains des amendements de fond que le gouvernement a rejetés du revers de la main. En effet, je crois pertinemment que parce que le gouvernement a rejeté ces amendements, il est crucial que le Sénat soit ferme et insiste pour les maintenir.

Premièrement, il y a l’amendement sur la vérification de l’âge de l’utilisateur pour protéger l’enfant qui a été proposé par la sénatrice Miville-Dechêne, avec l’appui de la majorité des sénateurs en comité et dans cette enceinte.

Le comité a reçu un certain nombre de mémoires sur ce sujet en particulier, y compris de la part du Centre canadien de protection de l’enfance. En voici un extrait :

Dans son libellé actuel, le projet de loi C-11 [...] doit respecter les obligations internationales du Canada à l’égard des enfants. C’est pourquoi le projet de loi C-11 devrait intégrer les principes énoncés dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant [...] ainsi que dans l’Observation générale no 25(2021) sur les droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique, laquelle indique aux États parties comment mettre en œuvre la Convention dans l’espace numérique.

Le Centre réclame depuis longtemps que le gouvernement réglemente les plateformes en ligne auxquelles les enfants sont exposés. Le secteur de la technologie s’est extraordinairement enrichi par sa poursuite constante de progrès toujours plus rapides, mais les enfants en ont fait les frais. On continue aujourd’hui de créer des programmes et services Internet sans guère se soucier des enfants, alors qu’on apprend de partout qu’ils subissent des préjudices en ligne. Nous ne pouvons plus défendre le statu quo. La législation mise au point pour réglementer les plateformes en ligne ne doit pas oublier de protéger concrètement les enfants.

De même que nous les protégeons contre les dangers du tabac, de l’alcool, de la marijuana ou des films violents, nous devons protéger adéquatement les enfants contre le contenu sexuellement explicite en ligne. La société ne doit pas renoncer à ses responsabilités simplement parce qu’il s’agit de matériel numérique et non physique. Ce ne sont pas les plateformes en ligne qui doivent dicter l’éducation sexuelle des enfants du Canada.

(1610)

La sénatrice Miville-Dechêne, qui défend cet enjeu au Sénat depuis longtemps, s’est attaquée à ce problème. Elle a présenté un amendement au projet de loi qui disait ceci :

« r.1) les entreprises en ligne doivent mettre en place des mécanismes, tels que des mécanismes de vérification de l’âge, pour empêcher que des émissions consacrées à la présentation, dans un but sexuel, d’activités sexuelles explicites ne soient rendues accessibles aux enfants par Internet;

Cet amendement simple et direct a été adopté par notre comité puis par l’ensemble du Sénat.

Officiellement, le gouvernement s’est bien sûr dit sensible à cet amendement. En fait, il n’a exprimé aucune objection fondamentale quant au principe de l’amendement, mais il l’a tout de même rejeté.

Cette semaine, le sénateur Gold a déclaré une fois de plus que :

[...] la protection des enfants constitue une priorité pour l’actuel gouvernement qui est impatient de présenter une mesure législative sur la sécurité en ligne, dans le but d’assurer la sécurité de l’ensemble des Canadiens en ligne. Cependant, le gouvernement estime que le projet de loi C-11 n’est pas la mesure appropriée pour atteindre cet important objectif.

On ne peut que se demander pourquoi. Je soupçonne que c’est simplement parce que l’amendement proposé par la sénatrice Miville-Dechêne va plus loin que le gouvernement a l’intention d’aller. Ce n’est probablement pas plus compliqué que cela.

Selon moi, si nous ne remettons pas ce rejet en question, nous manquerons à notre devoir envers les Canadiens et nous raterons du même coup une occasion cruciale de mieux protéger les enfants canadiens.

Nous devons donc insister, selon moi, pour que cet amendement soit apporté.

Un autre des amendements proposés par le Sénat et rejetés par le gouvernement visait à mettre à jour les règles obsolètes du CRTC en matière de contenu canadien. Cet amendement répondait à ce que le Sénat avait entendu de la part de nombreux témoins, à savoir qu’une interprétation restrictive des règles relatives au contenu canadien, en vertu de la loi existante, porte gravement préjudice à de nombreux créateurs canadiens et compromet notre capacité à raconter des histoires canadiennes au reste du monde. De nombreux témoins ont indiqué que même si une émission est filmée au Canada, emploie des acteurs canadiens et est écrite par un Canadien, si la société de production n’est pas canadienne, elle ne peut être considérée comme du « contenu canadien ». D’autres témoins ont affirmé que les règles relatives au contenu canadien sont souvent si lourdes qu’il devient impossible pour les petits créateurs de s’y retrouver.

Sur la base de ces témoignages, l’amendement proposait d’incorporer un principe de plus grande souplesse dans la détermination de ce qui est, et de ce qui n’est pas, du contenu canadien. Il s’agissait d’un amendement extrêmement raisonnable et modeste, mais là encore, le gouvernement l’a rejeté.

Le gouvernement prétend l’avoir fait parce que :

[...] le principe que les émissions canadiennes sont d’abord et avant tout du contenu fait par des Canadiens est au cœur de la définition des émissions canadiennes, et ce depuis des décennies, et cet amendement enlèverait au CRTC la capacité de s’assurer que cela demeure le cas [...]

Il est clair que personne au gouvernement n’a lu ou examiné sérieusement les témoignages entendus par notre comité sénatorial sur cette question. Aucun des témoins entendus par notre comité sénatorial n’a contesté l’idée que les émissions canadiennes devraient être « d’abord et avant tout du contenu fait par des Canadiens ». Ce que les témoins ont contesté, c’est la façon dont le CRTC établit les priorités et décide de ce qui est considéré comme une émission canadienne.

Les témoins ont affirmé que notre approche est vieille de plusieurs décennies et qu’elle doit mieux répondre aux réalités d’aujourd’hui en ce qui concerne la production et la diffusion des émissions. Des témoins comme Oorbee Roy, qui, de son propre aveu, est une petite joueuse dans le domaine de la création de contenu, mais qui est néanmoins assujettie à l’interprétation du « contenu canadien » par le CRTC, ont demandé au comité, le 28 septembre, pourquoi le projet de loi n’abordait pas la question de l’iniquité dans la création de contenu canadien.

Elle a critiqué très explicitement la réponse du ministre lors d’une réunion d’un comité de la Chambre, réponse qui consistait simplement à repousser toute la question à une décision future lointaine. Devant notre comité, elle a posé la question suivante :

Pourquoi ce projet de loi repousse-t-il les créateurs de contenu numérique canadien dans l’avenir, mais inclut-il maintenant les plateformes de contenu généré par les utilisateurs? Ne sommes-nous pas les personnes que ce projet de loi est censé aider?

Elle a souligné les obstacles majeurs auxquels se heurteraient les petits créateurs de contenu comme elle pour être approuvés en tant que producteurs de contenu canadien. Elle a demandé :

[...] Dois-je embaucher mon fils de dix ans pour m’aider à soumettre pour approbation chaque élément de contenu de planche à roulettes à titre de contenu canadien? [...]

D’autres intervenants majeurs ont expliqué comment les règles inflexibles en matière de contenu canadien sapent les investissements et rendent plus difficile la diffusion d’histoires canadiennes.

Wendy Noss, présidente de l’Association cinématographique du Canada, a dit au comité :

[...] j’ai presque l’impression qu’on pense que la définition de « contenu canadien » a été gravée sur des tables dans le désert il y a fort longtemps et qu’elle est immuable. [...]

Nous avons une définition des programmes canadiens dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion, et pour cette raison, quand vous vous associez à des sociétés et services en ligne étrangers qui créent du contenu pour le monde entier, il doit y avoir une approche globale fidèle à l’époque plutôt que de s’embourber dans une approche des années 1970.

Du côté des différents types d’histoires, il peut y en avoir qui se déroulent au Canada, comme Washington Black, de l’écrivaine Esi Edugyan. Il s’agit d’un roman fabuleux, lauréat du prix Giller, qui raconte l’histoire d’un esclave noir qui se rend en Nouvelle-Écosse. L’investissement dans le roman canadien, dans l’écrivaine canadienne et dans l’histoire canadienne est fait par Disney, et la série est filmée en Nouvelle-Écosse. Ce n’est toutefois pas considéré comme du contenu canadien.

Vous avez beaucoup entendu parler d’Alerte rouge, dans lequel tout enfant d’immigrant qui a grandi au Canada, surtout à Toronto, peut se reconnaître. Là encore, il s’agit d’une histoire canadienne.

Les postes dans le milieu créatif canadien qui ne sont pas encore reconnus par cette définition sont légion. Un réalisateur mexicain [...] peut tourner tout son fabuleux contenu à Toronto, avec des équipes de créateurs primées ou nommées aux Oscar, par exemple des décorateurs, des directeurs artistiques, des créateurs de costumes et un producteur canadien, sauf que, si les droits appartiennent à Fox, ce n’est pas considéré comme du contenu canadien.

C’est ce que les témoins ont dit au comité sénatorial, chers collègues.

Aucun témoin n’a remis en question le principe selon lequel le contenu canadien doit être produit par des Canadiens. L’amendement adopté par le Sénat ne l’a pas fait non plus. Tout ce qu’il a fait, c’est d’ajouter des instructions au CRTC pour qu’il fasse preuve de plus de souplesse dans la détermination de ce qui est du contenu canadien.

Pour toute réponse, le gouvernement a rejeté l’amendement du revers de la main.

Bien franchement, chers collègues, les Canadiens méritent mieux.

Un autre amendement important a été proposé par notre collègue le sénateur Downe. Il visait à limiter la publicité qui est conçue de manière à ressembler à de la programmation journalistique. C’était un amendement simple, mais qui touchait à un sujet très important.

(1620)

Le gouvernement a souvent fait référence à la désinformation. En effet, il a soutenu que ce projet de loi, ainsi que le projet de loi C-18, sont des outils importants pour assurer l’exactitude des nouvelles et des émissions qui sont présentées comme des nouvelles. Le sénateur Downe a donc proposé l’amendement suivant pour empêcher CBC/Radio-Canada de :

[…] conclure [un] contrat ou [un] accord qui entraîne la diffusion ou l’élaboration de messages publicitaires ou d’annonces au nom d’un annonceur qui sont conçus de manière à ressembler à de la programmation journalistique.

En somme, l’amendement du sénateur Downe visait à promouvoir et à protéger la vérité dans la publicité et dans les informations présentées comme des nouvelles — un amendement fort raisonnable, qui appuyait en fait l’objectif déclaré du gouvernement.

Quelle a été la réponse du gouvernement? On aurait pu penser qu’il en aurait été satisfait. Il a rejeté l’amendement au motif qu’il allait, selon lui, au-delà de l’objectif stratégique du projet de loi. Il a affirmé qu’une étude plus approfondie était nécessaire sur la question. Chers collègues, le fait que cet amendement exige une étude plus approfondie est un euphémisme qui signifie que le gouvernement ne voulait pas l’étudier et qu’il ne veut pas se donner la peine de s’engager plus avant sur cette question.

Ce n’est pas ainsi que devraient être traités les différends législatifs entre les deux chambres de notre Parlement. Le Sénat est une chambre de second examen objectif. Lorsque le Sénat s’oppose à une mesure législative du gouvernement, c’est généralement parce qu’il a entendu le point de vue des Canadiens, que ce soit par le biais de témoignages ou d’autres formes de communication.

Les amendements proposés par le Sénat sont habituellement modestes, mais ils portent fort souvent sur des enjeux très importants. En vertu de la Constitution, le gouvernement est tenu de prendre au sérieux les conseils du Sénat, et plus particulièrement quand ils se fondent sur des témoignages importants. À mon avis, dans un très grand nombre de ses réponses aux amendements proposés par notre assemblée, le gouvernement n’a tout simplement pas pris au sérieux ces amendements, ni les témoignages recueillis par les sénateurs lors des réunions des comités.

C’était on ne peut plus évident quand il a rejeté notre principal amendement. Je parle, bien sûr, de l’amendement sur le contenu généré par les utilisateurs proposé par les sénatrices Miville-Dechêne et Simons.

Quand la sénatrice Miville-Dechêne a parlé de cet amendement au comité, elle a affirmé ceci :

Je vous rappelle que le gouvernement et le CRTC ont répété à de nombreuses reprises que les utilisateurs de médias sociaux et les créateurs de contenu ne seraient pas visés par le projet de loi C-11. Cela a été dit et répété.

Malgré tout, nous avons entendu des témoins et des experts dire que l’article 4.2 a une portée trop large et qu’ils ne font pas confiance au CRTC avec un tel pouvoir discrétionnaire. Il y a eu une volonté exprimée au cours de nos audiences pour que nous circonscrivions le type de contenu que le CRTC pourrait réglementer sur les plateformes. Nous avons également entendu que la principale cible visée par l’article 4.2 est le contenu professionnel et non amateur, en particulier le contenu musical autoproduit ou produit par les maisons de disques et les vidéoclips associés.

Sur ce point, la sénatrice Miville-Dechêne avait bien entendu raison. Le gouvernement a affirmé à diverses reprises que le projet de loi ne réglementerait pas le contenu généré par les utilisateurs.

Le ministre du Patrimoine canadien, lorsqu’il a comparu devant notre comité, a expressément déclaré ce qui suit :

Nous avons écouté les créateurs sur les médias sociaux, nous les avons écoutés, nous avons compris leurs préoccupations, et nous l’avons rétabli, avec l’exception prévue à l’article 4.2 visant le contenu commercial qui remplit les trois critères. C’est tout.

C’est ce qu’a affirmé le gouvernement.

Un modeste amendement a donc été apporté au comité, simplement pour confirmer cette affirmation. Comme l’a déclaré la sénatrice Simons lors de la troisième lecture du projet de loi C-11 au Sénat :

[...] à mon avis, l’amendement le plus important que nous avons apporté visait un passage épineux du projet de loi, le paragraphe 4.2(2), que j’aime appeler la disposition de « l’exception à l’exception ». À la suite de la controverse entourant le projet de loi C-10, le ministre du Patrimoine canadien a promis que les utilisateurs de médias sociaux ne seraient pas touchés par le projet de loi C-11 et que seuls les grands diffuseurs qui s’apparentent aux radiodiffuseurs traditionnels le seraient. C’est effectivement ce qui est écrit au paragraphe 4.1(1) du projet de loi, c’est-à-dire que la loi ne s’applique pas à l’émission qui est téléversée vers un service de média social par un utilisateur de ce service.

Par ailleurs, lorsque la sénatrice Miville-Dechêne s’est exprimée sur cet amendement en comité, elle a déclaré :

L’amendement que nous proposons vise à concentrer l’article 4.2 sur la cible visée, soit la musique professionnelle, sans restreindre indûment la latitude du CRTC. Enfin, ces modifications auraient pour effet de concentrer l’article 4.2 sur la musique professionnelle téléchargée par les titulaires de droits d’auteur, ou qui a été jouée en totalité ou en grande partie sur des entreprises de radiodiffusion traditionnelle.

En fait, cela signifie que les youtubeurs, les vidéos amateures ou tout autre contenu non associé à la musique professionnelle ne sont pas visés par le projet de loi C-11.

Au comité, la sénatrice Simons a été plus précise quant à son intention. Elle a déclaré : « Nous espérons que cela nous permettra d’atteindre un compromis réalisable. »

Elle a poursuivi en disant :

J’ai les mêmes préoccupations que le sénateur Manning, la sénatrice Wallin et le sénateur Plett au sujet de l’article 4 qui, malgré les protestations de tous, inclut clairement les créateurs individuels. Nous croyons que cet amendement exclut toutes ces personnes et n’inclut que les très grands producteurs de musique.

C’est un amendement qui a été proposé en consultation avec YouTube, avec TikTok, mais aussi avec toutes sortes de producteurs de musique indépendants québécois, qui ont beaucoup contribué à l’élaboration d’un amendement qui vise les bonnes personnes.

Donc, quelle a été la réponse du gouvernement? Le gouvernement affirme qu’il désapprouve l’amendement pour les raisons suivantes. Selon lui :

[…] il affecterait la capacité du gouverneur en conseil de tenir des consultations publiques et d’émettre des instructions en matière de politique à l’intention du CRTC afin d’établir la portée appropriée de la réglementation des services de médias sociaux en ce qui a trait à leur distribution d’émissions commerciales, et empêcherait le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques au fil du temps [...]

En d’autres termes, selon le gouvernement, le pouvoir discrétionnaire du CRTC est tout simplement plus important que les préoccupations que les créateurs ordinaires pourraient avoir.

Comme l’a souligné la sénatrice Simons plus tôt cette semaine, le raisonnement du gouvernement n’est pas crédible. Elle a fait valoir en particulier que la première partie de la réponse du gouvernement est un peu étrange :

Il n’y a rien dans notre amendement qui aurait empêché le gouvernement de tenir des consultations publiques à tout moment sur n’importe quel sujet. La dernière partie de la phrase est également un peu étrange. Il n’y a rien dans notre amendement qui aurait empêché le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques.

C’est le cœur de la phrase qui importe. C’est là où se trouve la substance — la partie au sujet de l’établissement de la portée de la réglementation des émissions commerciales dans les médias sociaux. C’est précisément là que le bât blesse. Le ministre et le gouvernement nous disent — et disent à tout le monde — sans cesse qu’ils n’ont pas l’intention d’inclure le contenu généré par les utilisateurs et que les Canadiens qui publient des sketches humoristiques, de courts dessins animés ou des comptines pour enfants sur Twitter, YouTube, TikTok et Instagram ne pourront pas être visés par le CRTC. Or, la réponse écrite du gouvernement à l’amendement que nous avons proposé indique qu’il désire justement garder le pouvoir de donner au CRTC la directive de le faire, c’est-à-dire de réglementer la diffusion de contenu dans les médias sociaux.

(1630)

Ce sont les paroles de la sénatrice Simons.

Soyons clairs au sujet de ce que cela signifie. Le gouvernement dit que les représentants qu’il nomme pour servir au CRTC doivent avoir toute la latitude pour faire ce que le gouvernement prétend qu’il n’a aucune intention de faire, et le CRTC doit avoir de la latitude, malgré les objections que les Canadiens ont soulevées.

Selon la sénatrice Simons, la réponse du gouvernement est très claire : il se réserve le droit de réglementer le contenu des médias sociaux sans que la loi ne l’en empêche.

M. Len St-Aubin est un ancien directeur général de la politique des télécommunications à Industrie Canada. Voici ce qu’il a déclaré le 14 septembre 2022 devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications :

[...] c’est le CRTC, et non pas le Parlement, qui déterminera la portée du règlement et, par le fait même, la mesure dans laquelle il se répercutera sur le marché d’Internet et sur la liberté d’accès des Canadiens au contenu de leur choix.

C’est la seule conclusion à laquelle on peut parvenir compte tenu de la position du gouvernement. C’est indéniablement son intention.

Chers collègues, lorsque nous nous sommes penchés sur le projet de loi C-11 à l’étape de la troisième lecture, il y a quelques semaines, nous avons fait remarquer, de ce côté-ci du Sénat, que les sénateurs devraient « faire preuve de fermeté » devant la réponse probable du gouvernement à leurs amendements.

Même si nous espérions ardemment que le gouvernement nous fournisse des réponses substantielles à ce que nous considérions être des amendements substantiels, cela n’a malheureusement pas été le cas. Le gouvernement nous a répondu qu’il rejette presque tous les amendements substantiels proposés par le Sénat, et ce, passant outre le fait que ces derniers ont été proposés par de nombreux Canadiens ayant témoigné devant notre comité. Essentiellement, cela signifie que le gouvernement dit « non » aux Canadiens.

Quelles sont les répercussions de ce refus? Je pense qu’elles sont très graves, car elles ont un impact sur les droits fondamentaux des Canadiens. Le refus du gouvernement a des répercussions directes sur la liberté d’expression. En disant cela, je sais que des sénateurs penseront que j’exagère, mais ce n’est pas le cas à mon humble avis. Je peux vous donner un exemple très récent.

Plus tôt ce mois-ci, nous avons appris que de hauts fonctionnaires de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada ont demandé aux dirigeants des grandes plateformes de médias sociaux de retirer toute publication d’un article rédigé par Lorne Gunter, du quotidien Edmonton Sun, et d’empêcher les utilisateurs de créer des hyperliens menant à cet article.

L’article en soi prenait appui sur une ébauche de document interne de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, rendant ainsi l’information factuellement correcte, à tous points de vue. Ce que les hauts fonctionnaires n’ont apparemment pas aimé, c’est l’interprétation de M. Gunter à propos des répercussions dudit document.

Que les fonctionnaires de la commission soient d’accord ou non avec M. Gunter sur l’interprétation ou l’analyse qu’il fait du document, que cette interprétation soit erronée ou non, ce qui compte ici, c’est que ces fonctionnaires semblaient considérer qu’il était tout à fait acceptable de demander le retrait du contenu que la commission juge répréhensible et qu’ils se disaient prêts à le faire. Cela devrait tous nous inquiéter.

Nous devrions être horrifiés, chers collègues, par cette tentative d’assaut contre la liberté de parole et la liberté de presse.

De nombreux Canadiens craignent que ce soit là vers où le projet de loi C-11 nous emmène, et de nombreux signes évidents indiquent que ces craintes risquent d’être fondées.

Nous avons souvent entendu des sénateurs affirmer que le Sénat devait défendre les minorités politiques. Je crois également que c’est l’un des rôles clés de la Chambre haute du Parlement. Chers collègues, nous avons entendu des témoignages et des preuves indiquant que les incidences du projet de loi C-11 sont graves et comptent de nombreuses facettes.

En réponse aux témoignages entendus, le Sénat a apporté quelques amendements modestes, mais importants, au projet de loi. Le gouvernement les a presque tous rejetés. Face à cette réponse, je crois que le Sénat ne peut pas simplement céder. Je suis très inquiet d’entendre les sénateurs qui semblent en avoir l’intention.

Cette semaine, la sénatrice Simons a affirmé qu’elle ne croyait pas que renvoyer la balle de l’autre côté de la rue changerait quoi que ce soit.

Je peux assurer à la sénatrice Simons et à tous les sénateurs que, si nous décidons simplement de céder, nous ne changerons pas quoi que ce soit. Si telle est la voie que veut emprunter le Sénat, ma question est la suivante : quel est donc le rôle du Sénat?

Une voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Quelle est la raison d’être du Sénat?

Si, après avoir passé quatre mois à entendre des témoins au sujet de cet enjeu, le Sénat baisse les bras dès que le gouvernement dit « non », nous aurons tout simplement manqué à notre devoir législatif. Nous aurons échoué en tant que Canadiens.

Nous ne pouvons pas affirmer être « indépendants » si nous nous inclinons à la première occasion. L’indépendance est autre chose, chers collègues. L’indépendance est autre chose.

Voilà pourquoi nous devrions, selon moi, insister pour que tous nos amendements soient acceptés.

Je m’inquiète surtout pour les petits joueurs qui seront touchés par les effets du projet de loi, des gens comme Oorbee Roy, Vanessa Brousseau, Darcy Michael, Justin Tomchuk, J.J. McCullough, Frédéric Bastien Forrest et Scott Benzie, qui ont tous comparu devant notre comité. Ils ne représentent pas de grandes entreprises ni de grands médias. J’estime, chers collègues, que nous avons à tout le moins l’obligation d’insister pour que ce gouvernement insensible les écoute. Par ailleurs, nous savons — ou du moins nous soupçonnons — tous que le projet de loi comporte des failles importantes et qu’il a des implications notables pour la liberté d’expression et la liberté de presse.

Étant donné ces implications, chers collègues, nous ne pouvons pas abandonner dès que le gouvernement signale qu’il n’a pas l’intention de prendre nos amendements au sérieux.

Motion d’amendement—Débat

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion, telle que modifiée, soit modifiée à nouveau :

1. par substitution, au sous-paragraphe b), de ce qui suit :

« b) insiste sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.par adjonction, avant le dernier paragraphe, du nouveau paragraphe suivant :

« Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements; »

3.par substitution, dans le dernier paragraphe, aux mots « Qu’un message soit transmis », des mots « Que, après que le Sénat a accepté les motifs de son insistance, un message soit transmis ».

Chers collègues, j’estime que nous devons insister pour que le gouvernement prenne sérieusement en considération les arguments avancés par les témoins qui ont comparu devant le Sénat et qu’il réponde de manière appropriée aux amendements du Sénat.

Lorsque nous avons envoyé à l’autre endroit notre série d’amendements concernant le projet de loi, j’ai dit que nous allions devoir très certainement faire preuve de fermeté face à la réponse du gouvernement. Malheureusement, c’est exactement ce que nous devons faire maintenant, c’est-à-dire nous montrer fermes. J’invite tous les sénateurs à soutenir cette motion.

(1640)

L’honorable Donna Dasko : J’ai une question à poser au sénateur Plett, s’il l’accepte.

Le sénateur Plett : Oui.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie de votre enthousiasme. Sénateur Plett, vous avez aujourd’hui fait l’éloge des six amendements qui ont été rejetés par la Chambre des communes. Vous les avez louangés et vous avez dit que vous insistiez sur l’ensemble des amendements.

Cependant, sénateur, vous n’avez pas soutenu le projet de loi contenant ces amendements à la troisième lecture. Comment pouvez-vous nous demander d’insister sur les 26 amendements alors que vous ne les avez pas soutenus à l’étape de la troisième lecture du projet de loi?

Le sénateur Plett : Eh bien, j’espère que ma réponse suscitera votre enthousiasme. Le projet de loi n’allait pas assez loin. Les amendements n’ont plus. J’ai dit à maintes reprises pendant mon discours que le projet de loi demeure imparfait, même avec les amendements, mais ceux-ci permettent de l’améliorer.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la réponse du gouvernement aux amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois. Je vais me concentrer plus particulièrement sur le rejet par le gouvernement de l’amendement 3.

C’est probablement l’amendement le plus important que le Sénat a apporté au projet de loi C-11, et il s’appuyait sur ce que des dizaines de témoins ont dit au Comité sénatorial permanent des transports et des communications pendant plusieurs mois. De mon point de vue, cet amendement modeste et minimal donnait suite, essentiellement, à l’engagement du ministre à propos de la réglementation du contenu généré par les utilisateurs.

Lorsque le ministre a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, il a affirmé ce qui suit :

Nous avons écouté les créateurs sur les médias sociaux, nous les avons écoutés, nous avons compris leurs préoccupations, et nous l’avons rétabli, avec l’exception prévue à l’article 4.2 visant le contenu commercial qui remplit les trois critères. C’est tout.

Encore et encore, le gouvernement a prétendu que l’article 4.2 ne vise que le contenu commercial. Encore et encore, les libéraux ont prétendu qu’ils avaient écouté les créateurs utilisant les réseaux sociaux. Or, la très grande majorité de ces créateurs ont rejeté cette affirmation à maintes reprises, et ils l’ont fait ouvertement devant le comité. L’amendement proposé visait simplement, à mon avis, à confirmer les propos tenus par le ministre lui-même.

À l’étape de la troisième lecture, la sénatrice Simons a dit ceci :

[...] à mon avis, l’amendement le plus important que nous avons apporté visait un passage épineux du projet de loi, le paragraphe 4.2(2), que j’aime appeler la disposition de « l’exception à l’exception ». À la suite de la controverse entourant le projet de loi C-10, le ministre du Patrimoine canadien a promis que les utilisateurs de médias sociaux ne seraient pas touchés par le projet de loi C-11 et que seuls les grands diffuseurs qui s’apparentent aux radiodiffuseurs traditionnels le seraient [...]

L’amendement que nous proposons vise à concentrer l’article 4.2 sur la cible visée, soit la musique professionnelle, sans restreindre indûment la latitude du CRTC. Enfin, ces modifications auraient pour effet de concentrer l’article 4.2 sur la musique professionnelle téléchargée par les titulaires de droits d’auteur, ou qui a été jouée en totalité ou en grande partie sur des entreprises de radiodiffusion traditionnelle.

En fait, cela signifie que les youtubeurs, les vidéos amateures ou tout autre contenu non associé à la musique professionnelle ne sont pas visés par le projet de loi C-11.

Les arguments avancés par la sénatrice Simons ayant convaincu la majorité des sénateurs du comité et du Sénat, ce dernier a adopté l’amendement.

Pourquoi le Sénat a-t-il adopté cet amendement? Il l’a fait principalement sur la base des témoignages quasi unanimes que nous avons entendus au comité sur cette question spécifique. Je voudrais passer en revue certains de ces témoignages afin que tous les sénateurs ici présents puissent comprendre ce que les témoins nous ont réellement dit.

Scott Benzie, directeur général de Digital First Canada, a déclaré au comité le 28 septembre 2022 :

[...] il nuira à des milliers de créateurs de contenu de partout au pays [...] Je vous demande [...] de modifier l’article 4.2 en le rédigeant d’une façon qui ne laisse aucun doute que le contenu produit par les utilisateurs n’est pas régi par cette loi.

Le même jour, Morghan Fortier, copropriétaire et présidente-directrice générale de Skyship Entertainment, a dit ce qui suit au comité :

La sénatrice Simons a correctement décrit l’article 4.2 comme étant l’« enfant à problèmes » de ce projet de loi [...] le CRTC nous a déjà donné son interprétation du projet de loi. Il a dit très clairement que le contenu produit par les utilisateurs est inclus dans la portée du projet de loi et qu’il obligerait les plateformes à manipuler artificiellement leurs algorithmes, de sorte que nous savons comment le gouvernement et le CRTC ont l’intention d’utiliser le projet de loi. S’ils font cela, d’autres pays suivront, et ce sera une énorme gaffe économique de la part du gouvernement.

Il est justifié d’inclure une disposition sur le contenu généré par les utilisateurs dans le projet de loi. Des milliers de petites entreprises et de créateurs numériques canadiens méritent beaucoup plus d’égards.

Jennifer Valentyne, qui a eu une brillante carrière à la télévision pendant des années jusqu’à ce que — pour reprendre ses propres mots — elle soit écartée à cause de son âge, a parlé en tant que femme d’un certain âge du sentiment libérateur de créer et de publier son propre contenu en ligne, sans avoir à craindre que des hommes en position de pouvoir pensent qu’elle est trop vieille.

Elle a dit ceci au comité :

[...] il nuira à des milliers de créateurs de contenu de partout au pays [...]

Je vous demande [...] de modifier l’article 4.2 en le rédigeant d’une façon qui ne laisse aucun doute que le contenu produit par les utilisateurs n’est pas régi par cette loi.

Nous avons entendu Oorbee Roy, une mère skateboardeuse qui publie des vidéos d’elle en skateboard alors qu’elle porte un sari. Elle a dit au comité : « Ne nous éliminez pas pour aider d’autres acteurs [...] » Elle a ensuite ajouté : « [...] si l’article 4.2 entre en vigueur tel quel, je devrai me chercher un emploi à temps plein. »

Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses personnes qui ont livré le même message au comité sénatorial. Donc, lorsque je qualifie l’amendement proposé par les sénatrices Miville-Dechêne et Simons de modeste, je veux dire exactement cela. D’autres témoins réclamaient beaucoup plus dans leurs demandes au Parlement de ne pas réglementer le contenu généré par les utilisateurs.

Le 27 septembre, Monica Auer, directrice générale du Forum for Research Policy in Communications, a dit au comité sénatorial :

[...] le projet de loi C-11 habilite le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou le CRTC, à réglementer le contenu téléversé par les utilisateurs et, par ricochet, à réglementer les utilisateurs, directement et indirectement. Nous proposons l’abandon complet des articles 4.1 et 4.2 proposés. Les activités des radiodiffuseurs, et non celles des utilisateurs de l’Internet, devraient être réglementées.

Ainsi, l’amendement que le Sénat a fini par adopter était un pas modeste que le gouvernement aurait facilement pu accepter, mais il ne l’a pas fait. Quel est son raisonnement à cet égard?

(1650)

Le gouvernement a fait valoir que l’amendement :

[…] affecterait la capacité du gouverneur en conseil de tenir des consultations publiques et d’émettre des instructions en matière de politique à l’intention du CRTC afin d’établir la portée appropriée de la réglementation des services de médias sociaux en ce qui a trait à leur distribution d’émissions commerciales, et empêcherait le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques au fil du temps; [...]

Comme l’a déclaré à juste titre la sénatrice Simons dans ses observations en début de semaine :

Or, la réponse écrite du gouvernement à l’amendement que nous avons proposé indique qu’il désire justement garder le pouvoir de donner au CRTC la directive de le faire, c’est-à-dire de réglementer la diffusion de contenu dans les médias sociaux.

Les témoins qui ont comparu devant notre comité sénatorial et les créateurs qui tentent de comprendre ce que signifient les articles 4.1 et 4.2 devraient tenir compte des propos de la sénatrice Simons.

Bien entendu, la sénatrice Simons ne s’est pas exprimée au nom de l’opposition. Je le comprends. C’est une sénatrice qui a été nommée par le gouvernement, et qui fait preuve d’honnêteté quant aux implications de ce projet de loi en ce qui concerne la réglementation du contenu généré par les utilisateurs. Comme la sénatrice Simons l’a reconnu, la réponse du gouvernement indique très clairement qu’il se réserve le droit de réglementer le contenu sur les médias sociaux sans qu’aucune disposition législative ne l’en empêche. Pour le gouvernement, le pouvoir discrétionnaire du CRTC prime, et ce pour une raison bien précise.

Konrad von Finckenstein, l’ancien président du CRTC, a déclaré ce qui suit au comité :

[...] il n’y a aucune intention de couvrir le contenu généré par les utilisateurs et de restreindre ainsi la liberté d’expression des Canadiens. Le contenu généré par les utilisateurs, bien qu’il soit généralement exempté, peut être assujetti à la loi par une exception à l’exemption prévue au paragraphe 4.1(2) du projet de loi. Il est clair que ce paragraphe a été conçu pour les diffuseurs hybrides, comme YouTube, mais on craint beaucoup qu’il touche d’autres diffuseurs de contenu numérique, comme on les appelle, qui produisent des programmes uniquement pour Internet, ainsi que les Canadiens ordinaires qui téléchargent des vidéos ou de la musique.

Chers collègues, compte tenu de tout cela, je dirais que nous avons le devoir de dire au gouvernement ce qui suit : les créateurs numériques canadiens méritent une certitude réglementaire. Cette certitude pour les Canadiens est bien plus importante que le pouvoir discrétionnaire du CRTC en matière de réglementation.

Le Sénat a présenté un amendement bien modeste visant à protéger le créateur moyen, en particulier les plus petits. Nous devons faire valoir ce principe dans notre réponse au gouvernement. Il est très décevant d’entendre les sénateurs se dire prêts à renoncer à cet amendement modeste, mais important, que le Sénat a proposé, parce qu’il n’y aurait rien de plus que nous puissions faire. Eh bien, je suis désolé, mais je ne suis pas de cet avis. Nous avons le contexte parfait pour permettre au Sénat de faire la démonstration réelle de sa valeur. Il n’est pas question du budget ou d’une question de confiance. Les témoignages entendus au comité qui appuient cet amendement étaient nombreux et convaincants. Je dirais que, en tant que sénateurs, nous ne pouvons pas ignorer ce que les Canadiens nous ont dit. Absolument rien du point de vue pratique ou juridique ne nous contraint à cesser de défendre notre position sur cette question.

Honorables sénateurs, un enjeu qui revêtait une importance fondamentale pour le Sénat il y a à peine quelques semaines demeure tout aussi important aujourd’hui même si le gouvernement a rejeté l’amendement. Si les sénateurs d’en face sont prêts à céder au moindre signe de résistance du gouvernement, alors c’est la preuve que la prétendue nouvelle indépendance du Sénat n’est qu’un mythe.

Je vous exhorte à écouter non pas ce que vous dicte le Cabinet du premier ministre, mais ce que vous disent les créateurs canadiens qui ont pris le temps de venir témoigner devant le comité. Les Canadiens nous regardent; ils nous regardent de près.

Motion de sous-amendement—Débat

L’honorable Michael L. MacDonald : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion d’amendement soit modifiée :

1. dans la nouvelle formulation proposée du sous-paragraphe b) par substitution, aux mots « ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; », de ce qui suit :

« son amendement 3 auquel la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

c)n’insiste pas sur ses autres amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.dans le nouveau paragraphe proposé autorisant le Comité sénatorial des transports et des communications à rédiger les motifs de l’insistance du Sénat par substitution, aux mots « ses amendements », des mots « son amendement ».

Merci.

L’honorable Lucie Moncion (Son Honneur la Présidente suppléante) : Sénateur MacDonald, il vous reste quatre minutes. Acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur MacDonald : Certainement.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Merci beaucoup pour cette proposition, sénateur. Avez-vous pensé à cet amendement avant le premier amendement ou après?

Le sénateur MacDonald : Pourriez-vous répéter la question, s’il vous plaît, sénateur?

Le sénateur Dalphond : Sénateur MacDonald, avez-vous pensé à cet amendement avant le premier amendement ou après le premier amendement?

Le sénateur MacDonald : J’ai pensé à cet amendement il y a déjà assez longtemps, sénateur.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je propose l’ajournement du débat.

Des voix : Non.

[Français]

Son Honneur la Présidente suppléante : L’honorable sénatrice Martin propose, appuyée par l’honorable sénateur Plett, que la suite du débat soit renvoyée à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente suppléante : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente suppléante : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente suppléante : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Une heure.

Des voix : Maintenant.

Son Honneur la Présidente suppléante : Honorables sénateurs, comme il n’y a pas d’entente sur l’heure, le vote aura lieu à 17 h 56. Convoquez les sénateurs.

(1750)

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Batters Oh
Black Patterson (Nunavut)
Carignan Plett
Housakos Quinn
MacDonald Richards
Manning Seidman
Marshall Wallin
Martin Wells—16

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Greenwood
Audette Harder
Bellemare Hartling
Bovey Klyne
Boyer Kutcher
Brazeau LaBoucane-Benson
Busson Lankin
Cardozo Loffreda
Clement Marwah
Cordy McCallum
Cotter McPhedran
Coyle Miville-Dechêne
Dagenais Moncion
Dalphond Moodie
Dasko Osler
Dean Pate
Downe Petitclerc
Duncan Ravalia
Dupuis Ringuette
Francis Saint-Germain
Gagné Shugart
Galvez Simons
Gold Woo—46

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

(1800)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil, à moins que nous consentions à ne pas tenir compte de l’heure. Y a-t-il consentement pour ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ». La séance est suspendue jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Motion d’amendement—Motion de sous-amendement—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Plett, appuyée par l’honorable sénateur Housakos,

Que la motion, telle que modifiée, soit modifiée à nouveau :

1. par substitution, au sous-paragraphe b), de ce qui suit :

« b) insiste sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.par adjonction, avant le dernier paragraphe, du nouveau paragraphe suivant :

« Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements; »

3.par substitution, dans le dernier paragraphe, aux mots « Qu’un message soit transmis », des mots « Que, après que le Sénat a accepté les motifs de son insistance, un message soit transmis ».

Et sur le sous-amendement de l’honorable sénateur MacDonald, appuyé par l’honorable sénateur Housakos,

Que la motion d’amendement soit modifiée :

1. dans la nouvelle formulation proposée du sous-paragraphe b) par substitution, aux mots « ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; », de ce qui suit :

« son amendement 3 auquel la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

c)n’insiste pas sur ses autres amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.dans le nouveau paragraphe proposé autorisant le Comité sénatorial des transports et des communications à rédiger les motifs de l’insistance du Sénat par substitution, aux mots « ses amendements », des mots « son amendement ».

L’honorable Leo Housakos : Je tiens à remercier le sénateur MacDonald pour son sous-amendement et son soutien constant envers le contenu généré par les utilisateurs et envers les fournisseurs de contenu numérique.

Nous avons entendu un certain nombre d’interventions cet après‑midi et ce soir sur le projet de loi C-11. Je voudrais simplement répondre à un certain nombre de questions qui nous préoccupent profondément.

Dans son intervention, le sénateur Cardozo a expliqué que l’opposition et ceux qui s’opposent au projet de loi s’allient en quelque sorte avec les sociétés et les plateformes numériques multimilliardaires, et ainsi de suite. Or, je commence à penser que nombre de nos interventions n’ont probablement pas été entendues ou ne sont pas vraiment comprises.

Ceux d’entre nous qui sont inquiets ne s’allient pas aux géants du numérique. Au contraire, c’est le gouvernement qui s’allie aux sociétés multimilliardaires. J’ai dit dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, à l’étape de la troisième lecture et en comité que nous pensons que l’objectif de ce projet de loi — et le gouvernement l’a exprimé clairement — est de mettre les radiodiffuseurs traditionnels du pays en phase avec les plateformes numériques. Ceux d’entre nous qui ont participé à l’étude approfondie du Comité des transports comprennent bien que les fournisseurs de services numériques ne sont pas des radiodiffuseurs, loin de là. Ce sont simplement des plateformes qui permettent aux diffuseurs et aux communications de parvenir à certaines destinations plus rapidement, à plus grande échelle et en plus grand nombre. Telle est la réalité de ce que font les fournisseurs de services numériques comme Facebook, Twitter, Google et tous les autres.

Dès le début, nous estimions que le projet de loi C-11 était non pas une tentative de mettre en phase les télédiffuseurs, mais plutôt de sauver l’industrie de la télédiffusion — et nous reconnaissons tous que le modèle d’affaires connaît des difficultés. Il connaît des difficultés parce que les temps ont changé. Il n’y a pas de meilleure preuve que les temps changent que le fait que la PDG de CBC/Radio-Canada a elle-même dit publiquement, le lendemain de l’adoption du projet de loi par le Sénat ou la veille, que dans quelques années, la CBC allait se retirer de la télédiffusion par câble pour transformer ses opérations en plateformes numériques. C’est pourquoi les organisations comme Québecor exploitent radio QUB, un service de radio numérique à part entière. Les télédiffuseurs prennent cette voie parce qu’ils commencent à se rendre compte que le monde évolue, et que les jeunes Canadiens vont dans cette direction.

Sénateur Cardozo, laissez-moi vous dire avec qui je m’allie. Je m’allie avec les créateurs de contenu généré par les utilisateurs.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Housakos : Je me range du côté des producteurs canadiens qui privilégient le contenu numérique.

Honorables collègues, le terme « contenu généré par les utilisateurs » se rapporte au contenu numérique, et ces utilisateurs sont des Canadiens. Chaque fois que vous entendez parler de contenu généré par les utilisateurs ou de fournisseurs de contenu qui privilégient le numérique, vous n’avez qu’à remplacer cela par le mot « Canadiens ».

Je ne suis pas là pour défendre Meta ou Google. Contrairement au gouvernement, je ne me porte pas non plus à la défense de CTV, Québecor ou Rogers. Si leur modèle de gestion leur pose problème, et si ces entreprises estiment qu’elles ne sont pas assez concurrentielles, alors en principe, c’est à elles d’y remédier. Ce n’est pas mon rôle, en tant que législateur, ni le rôle de tout gouvernement, libéral ou conservateur, de légiférer et d’intervenir dans ce marché pour soutenir un modèle de gestion, car sinon, je me demande où cela va s’arrêter. Il doit y avoir des limites. Nos ressources financières ne sont pas illimitées; je sais que le gouvernement actuel pense qu’elles le sont, mais ce n’est pas le cas.

En fait, il y a une raison pour laquelle nous insistons et pour laquelle vous êtes saisis du sous-amendement du sénateur MacDonald pour que nous insistions sur les amendements que nous avons tous appuyés collectivement; nous avons tous voté pour ces amendements au comité. Nous avons voté pour ces amendements dans cette enceinte. Nous ne l’avons pas fait par caprice, car nous sommes véritablement la Chambre de second examen objectif. Nous avons fait tout cela parce que nous avons entendu de nombreux témoignages d’un grand nombre de personnes au sujet des producteurs de contenu générés par les utilisateurs, c’est-à-dire des millions de Canadiens qui ont fait cette demande à notre comité et à cette institution.

Nous sommes le dernier espoir de ces personnes. Nous parlons ici de gens qui créent quotidiennement. Ils génèrent des revenus pour le Conseil du Trésor du Canada. Ils génèrent du contenu qui est diffusé partout dans le monde et qui connaît beaucoup de succès. Nous constatons de nos jours que les jeunes Canadiens, tout particulièrement, ont complètement abandonné l’industrie de la câblodistribution en faveur de l’industrie en ligne.

Comme je l’ai déjà dit dans mes interventions, je fais encore partie de l’ancienne génération. À 21 heures ou à 22 heures, je cours regarder le bulletin d’information de CTV. Mes garçons passent devant la salle familiale et ils se moquent de moi. Ils me débitent toutes les nouvelles à la vitesse de l’éclair parce qu’elles se trouvent sur toutes ces plateformes, et ils estiment qu’ils les obtiennent plus rapidement, qu’ils disposent de plus d’options, et que l’information qu’ils reçoivent est plus approfondie. Ils disent que je suis un vrai dinosaure.

Nous avons un problème en tant qu’institution, sénateur Cotter et sénateur Dalphond, car j’ai écouté vos discours avec beaucoup d’attention et je n’ai pas entendu grand-chose au sujet du projet de loi C-11. J’ai entendu beaucoup d’arguments constitutionnels sur le fait que cet endroit est un organe non élu. J’ai entendu des arguments sur le fait qu’il n’est pas de notre ressort de nous opposer aux projets de loi du gouvernement de l’autre endroit parce qu’il a été élu par le peuple, et ainsi de suite. Cependant, je voudrais juste revenir un peu en arrière et reprendre les paroles du sénateur Serge Joyal, un éminent sénateur qui a, bien sûr, défendu le pouvoir judiciaire dans cette assemblée à de nombreuses occasions en expliquant quels sont nos droits et nos privilèges. Il a dit à de nombreuses reprises, et même un peu avant de quitter ses fonctions, que nous devions être utiles, utiles pour notre circonscription.

Ainsi, au sénateur Cotter et au sénateur Dalphond, avec tout le respect que je vous dois, j’ai dit au sénateur Dalphond que dans les années à venir, les leaders du gouvernement des futurs gouvernements citeront probablement son discours à plusieurs reprises. C’est très bien, parce qu’il a mis sa casquette de magistrat, puisqu’il était un juge éminent, et il a fait un très bon travail en présentant un argument judiciaire sur le parquet. Toutefois, en tant que législateur, j’ai eu le privilège de faire mon apprentissage du Parlement auprès de géants tels que Serge Joyal et Lowell Murray et d’autres qui m’ont précédé.

Plus important encore, j’ai également eu le privilège d’étudier les sciences politiques à l’Université McGill, où un professeur nommé J.R. Mallory, expert constitutionnel renommé au pays, m’a également appris une chose ou deux. Il m’a dit que nous vivons dans un pays où les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont séparés.

Avec tout le respect que je dois aux juges qui sont maintenant, bien sûr, des législateurs, je tiens à souligner que nous avons l’autorité constitutionnelle suprême sur les questions législatives, ce qui nous permet d’intervenir et d’élaborer des projets de loi au mieux de nos capacités, en écoutant nos concitoyens, même si nous ne sommes pas élus. Je sais que nous avons tous été nommés par un premier ministre — le premier ministre Trudeau ou le premier ministre Harper; je ne pense pas qu’il reste des sénateurs nommés par le premier ministre Martin —, mais, en fin de compte, nous sommes toujours responsables à l’égard de nos concitoyens, à l’égard de nos provinces.

Une voix : La sénatrice Cordy.

Le sénateur Housakos : Ah, donc la sénatrice Cordy et le sénateur Massicotte.

Une voix : C’était Jean Chrétien.

Le sénateur Housakos : Jean Chrétien, un grand premier ministre qui a fait une excellente nomination. Je ne veux pas oublier, bien sûr, le premier ministre Chrétien et le premier ministre Martin. Je suis ici depuis si longtemps, sénatrice Cordy, que ma mémoire commence à s’embrouiller.

Pour poursuivre mon raisonnement, nous avons tous des obligations envers nos concitoyens. Nous avons donné au comité le mandat de réaliser une étude solide et approfondie et nous avons entendons de très nombreuses voix, littéralement des millions de personnes, des producteurs de contenu généré par les utilisateurs — autrement dit, des Canadiens, vos enfants, vos neveux, mes enfants, des artistes, des chanteurs —, et ces personnes nous considèrent comme leur dernier espoir parce que le projet de loi est criblé de dangers potentiels, et ce, même s’il est possible que le CRTC fasse ce qui est juste et que les politiciens et Patrimoine Canada tiennent parole.

(2010)

Toutefois, je ne vois ici aucun obstacle — aucun problème avec les amendements proposés par la sénatrice Miville-Dechêne et la sénatrice Simons, qui ont vraiment été à l’écoute de l’indignation des citoyens. Il ne s’agit pas d’un programme politique ou d’un enjeu partisan. Il s’agit de sénateurs de tous les groupes qui, au comité, ont entendu un grand nombre de Canadiens qui leur ont demandé ceci : « S’il vous plaît, portez cette question loin des pressions politiques de la Chambre des communes; faites ce qui est juste, menez votre second examen objectif et apportez les amendements qui nous donneront une chance et la confiance que le gouvernement ne réduira pas notre succès en miettes en se mettant sur notre chemin. »

Le sénateur Plett : Bravo!

Le sénateur Housakos : Au bout du compte, chers collègues, soyons clairs : sénateurs Dalphond et Cotter, nous obtenons notre légitimité lorsque nous parlons au nom de ceux qui estiment ne pas avoir été entendus à la Chambre et ailleurs. C’est là que nous sommes jugés.

Comme je l’ai constaté à maintes reprises au cours de mes 15 années au Sénat, et ce, sous des gouvernements de toutes les couleurs, nous courons très souvent le risque d’acquiescer à la volonté de ceux qui nous ont nommés ici. Lorsque nous acquiesçons à la volonté de l’exécutif qui nous a nommés ici, nous réduisons au silence nos concitoyens qui nous demandent sans cesse de les représenter et de parler en leur nom.

Sénateur Cotter, je remercie le sénateur Downe parce qu’il siège au Sénat depuis plus longtemps que moi et il a souligné à juste titre que le Sénat a exercé son pouvoir constitutionnel à plusieurs reprises lorsqu’il pensait parler au nom d’un grand nombre de Canadiens qui estimaient que la loi que l’exécutif cherchait à leur imposer était si scandaleuse que le Sénat représentait leur dernier espoir d’être défendus.

Quand nous choisissons de ne pas les défendre pour une vaste gamme de raisons, je pense que — là encore, souvenons-nous des propos du sénateur Joyal quand il a quitté cette enceinte — le Sénat perd un peu de sa crédibilité aux yeux du public. Tous les sénateurs qui sont arrivés après moi sont très conscients que le plus grand défi que nous devons relever est de préserver notre légitimité, car nous ne sommes pas élus. Trop souvent, des voix s’élèvent dans notre pays, il peut s’agir d’Autochtones ou de personnes démunies, peu importe l’enjeu et le moment, qu’on soit d’accord ou non, peu importe dans quel camp on se trouve, et ces gens sont nombreux à avoir l’impression que nous acquiesçons à l’exécutif la plupart du temps. Dans les médias ou au sein de la population, nous avons tous entendu ce qui se dit à notre sujet : « Le Sénat est une simple formalité. »

Par conséquent, c’est bien la première fois où je suis en désaccord avec le sénateur Dalphond. Nous pouvons exercer nos droits constitutionnels en présence d’un tel tollé. En tant que président du Comité des transports et des communications, j’étais aux premières loges avec mes collègues, et j’ai constaté une absence évidente de consensus.

Il existe un fossé particulier entre les générations dans notre pays. Je crois que nous enverrons aussi un message clair aux jeunes générations qui se demandent ce que fait réellement une Chambre haute non élue. J’ai pu le voir parmi les témoins — les vlogueurs et les instavidéastes — francophones et anglophones qui ont comparu devant le comité. Ils disaient des choses comme : « Sénateur, c’est la première fois que je vois l’utilité de la Chambre haute. Servez‑vous de votre pouvoir, je vous en prie. »

Voilà pourquoi je prends la parole pour appuyer l’amendement du sénateur MacDonald. Je ne crois pas que nous outrepasserons notre pouvoir si nous retournons ce message au gouvernement en lui disant : « Nous vous recommandons fortement d’écouter nos sages conseils et de prendre note des amendements qui sont présentés », par des sénateurs nommés par le premier ministre Trudeau soit dit en passant.

Je souligne, une fois de plus, qu’il ne s’agit pas d’un enjeu partisan. Il ne s’agit pas défendre les multinationales numériques, comme beaucoup de gens le prétendent. Il s’agit de défendre les Canadiens ordinaires qui placent leur dernier espoir dans le Sénat.

Il y a déjà un certain temps que j’implore et que je supplie les sénateurs, tant en public, à l’extérieur du Sénat que dans cette enceinte, de faire ce qui s’impose. Nous tenons à faire savoir que nous sommes indépendants et que nous sommes solidaires des gens et non du gouvernement. Voilà l’enjeu.

Je vous remercie, chers collègues.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Housakos : Absolument.

Le sénateur Dalphond : Merci d’accepter de répondre à une question.

Dans un pays où une majorité peut résulter d’une élection où un parti obtient de 37 % à 41 % des votes, cela signifie que 60 % des gens n’ont pas voté pour ce gouvernement. Ce que vous nous dites, c’est que s’il y a des changements de gouvernement, nous devrions parler pour les 60 % qui n’auraient pas voté pour ce gouvernement et empêcher ses projets de loi d’être adoptés?

Le sénateur Housakos : C’est une excellente question, sénateur Dalphond.

Premièrement, comme vous le savez, notre petit groupe de conservateurs parle pour la majorité des Canadiens, puisque nous avons obtenu la majorité des votes aux dernières élections. Il s’agit d’un vote important et nous avons tout de même obtenu plus de votes que le gouvernement au pouvoir. Nous avons obtenu plus de votes que le gouvernement en place dans deux élections consécutives.

Il faut tenir pour acquis que même un système parlementaire démocratique est parfaitement imparfait. Il faut aussi souligner la réalité suivante, soit que le gouvernement est certainement élu en raison de son programme électoral. Cependant, il ne faut pas oublier que, dans un programme électoral, comme celui du Parti libéral, dire que la Loi sur la radiodiffusion sera réformée, c’est une chose; toutefois, les détails du processus ne figurent pas dans un programme électoral. Les détails viennent dans un projet de loi par la suite et, s’il y a une raison pour laquelle la Chambre haute doit faire son travail, c’est pour étudier tous les détails. Un programme électoral, c’est très général.

De plus, je n’utilise jamais l’argument selon lequel il faut appuyer un projet de loi simplement parce que sa révision figurait dans le programme d’un parti politique, car c’est tout à fait contraire à l’idée de l’indépendance de cette grande institution parlementaire.

[Traduction]

L’ajournement

Rejet de la motion

L’honorable Denise Batters propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Batters, avec l’appui de l’honorable sénateur Wells...

Sénateur Patterson?

L’honorable Dennis Glen Patterson : J’espérais poser une question au sénateur Housakos.

Son Honneur le Président : De toute manière, le temps de parole du sénateur Housakos est écoulé.

L’honorable sénatrice Batters, avec l’appui de l’honorable sénateur Wells, propose que le Sénat s’ajourne maintenant.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. Y a‑t-il entente au sujet de la sonnerie? Une heure? Le vote aura lieu à 21 h 17.

Convoquez les sénateurs.

(2110)

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Batters Martin
Carignan Oh
Housakos Plett
MacDonald Seidman
Marshall Wells—10

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Gold
Audette Greenwood
Boehm Kutcher
Bovey LaBoucane-Benson
Boyer Lankin
Brazeau Loffreda
Busson McPhedran
Cardozo Miville-Dechêne
Clement Moncion
Cordy Moodie
Cotter Osler
Coyle Pate
Dalphond Petitclerc
Dean Quinn
Downe Ravalia
Duncan Ringuette
Francis Saint-Germain
Gagné Simons
Galvez Woo—38

ABSTENTION
L’honorable sénateur

Patterson (Nunavut)—1

(2120)

Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Motion d’amendement—Motion de sous-amendement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Que le Sénat prenne acte de l’assurance publique du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Plett, appuyée par l’honorable sénateur Housakos,

Que la motion, telle que modifiée, soit modifiée à nouveau :

1. par substitution, au sous-paragraphe b), de ce qui suit :

« b) insiste sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.par adjonction, avant le dernier paragraphe, du nouveau paragraphe suivant :

« Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements; »

3.par substitution, dans le dernier paragraphe, aux mots « Qu’un message soit transmis », des mots « Que, après que le Sénat a accepté les motifs de son insistance, un message soit transmis ».

Et sur le sous-amendement de l’honorable sénateur MacDonald, appuyé par l’honorable sénateur Housakos,

Que la motion d’amendement soit modifiée :

1. dans la nouvelle formulation proposée du sous-paragraphe b) par substitution, aux mots « ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; », de ce qui suit :

« son amendement 3 auquel la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

c)n’insiste pas sur ses autres amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;

2.dans le nouveau paragraphe proposé autorisant le Comité sénatorial des transports et des communications à rédiger les motifs de l’insistance du Sénat par substitution, aux mots « ses amendements », des mots « son amendement ».

L’honorable Tony Dean : Je propose l’ajournement du débat.

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Dean, avec l’appui de l’honorable sénatrice Saint-Germain, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. Y a‑t-il entente au sujet de la sonnerie? La sonnerie retentira pendant une heure. Le vote aura lieu à 22 h 22.

Convoquez les sénateurs.

(2220)

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Votre Honneur, après des discussions entre les différents leaders, nous sommes arrivés à un consensus et avons décidé d’accepter l’ajournement du débat afin de passer au reste de l’ordre du jour.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Dean, le débat est ajourné.)

Fixation de délai—Préavis de motion

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Monsieur le Président, j’avise le Sénat que je n’ai pu m’entendre avec les représentants des partis reconnus sur le temps à consacrer à la réponse au message de la Chambre des communes portant sur les amendements du Sénat au projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l’étude de la motion, telle que modifiée, tendant à répondre au message de la Chambre des communes concernant les amendements du Sénat au projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 19 avril 2023, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 25 avril 2023, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur la radiocommunication

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’honorable Dennis Glen Patterson propose que le projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de prendre la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi que j’ai présenté, le projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication.

J’ai toujours dit que la force du Sénat résidait dans le travail de ses comités. Je suis reconnaissant d’avoir travaillé sur ce projet de loi en comité avec un groupe de sénateurs aussi dévoués, sous la présidence compétente du sénateur Housakos. Leurs questions réfléchies et leur ouverture à la collaboration nous ont aidés à présenter ce que je considère comme la meilleure version de ce projet de loi.

Comme les sénateurs le savent, les ressources de nos bureaux sont loin d’égaler celles d’un ministère. Cette approche collaborative de la rédaction du projet de loi, en particulier dans des domaines complexes comme l’utilisation et l’attribution de la large bande, est donc la bienvenue.

En remerciant les membres du comité, je m’en voudrais de ne pas saluer à cet égard ma compétente et infatigable directrice des affaires parlementaires, Claudine Santos, qui m’a soutenu avec brio dans la recherche d’un consensus sur le peaufinage du projet de loi.

Je remercie également les nombreux témoins et intervenants qui ont donné de leur temps, de leur énergie et de leur expertise pour contribuer à l’élaboration des amendements à ce projet de loi.

Les gens qui connaissent bien le projet de loi S-242 l’appellent maintenant communément le projet de loi du « c’est à prendre ou à laisser ». Cette mesure vise à assurer le déploiement du spectre acquis par un promoteur. Il tente de réduire la quantité de spectre inutilisé en faisant subir des conséquences aux promoteurs qui se livreraient à la pratique de trafic du spectre ou de squattage du spectre, comme nous sommes venus à l’appeler après avoir entendu la sénatrice Simons utiliser cette expression en comité. Certains d’entre vous se demandent peut-être ce que je viens de dire. Il m’a fallu un certain temps pour bien comprendre ce que cela signifiait.

Le spectre sans fil est une ressource limitée, qui fait référence à la gamme de fréquences utilisées pour les communications sans fil, comme le WiFi et le service cellulaire. Il s’agit essentiellement d’une autoroute pour l’échange de données et de signaux entre un appareil personnel et Internet.

Il y a des différentes voies, ou bandes de fréquences, au sein du spectre sans fil. Chacune d’entre elles a sa propre limite de vitesse, et chacune est désignée pour divers types de trafic de données. Le gouvernement réglemente et attribue ces bandes de fréquences à différentes entreprises et organisations aux fins d’utilisation, s’assurant qu’il y a suffisamment de spectre disponible pour tous et que des appareils différents puissent communiquer entre eux sans interférence.

Au Canada, la réglementation du spectre sans fil relève d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ministère affectueusement connu sous le sigle ISDE. ISDE est responsable de créer et de mettre en œuvre des politiques et des programmes liés à l’utilisation efficace du spectre. Cela comprend l’octroi de licences et la répartition du spectre entre les divers utilisateurs, tels que les fournisseurs de services sans fil, les radiodiffuseurs et les organismes du gouvernement.

ISDE veille également à ce que l’utilisation du spectre ne perturbe pas les autres utilisateurs, tels que les stations de radio. Les décisions que prend le ministère ont une incidence sur la rapidité avec laquelle les Canadiens sont branchés.

Les enchères du spectre sont une méthode utilisée par les gouvernements pour octroyer les licences d’utilisation du spectre au plus offrant. Dans une vente aux enchères du spectre, les entreprises et les organismes enchérissent sur le droit d’utiliser certaines bandes de fréquence pour leurs services de communication sans fil. Il s’agit d’un processus compétitif où les participants enchérissent les uns sur les autres pour obtenir la licence.

Le gouvernement récolte les profits des enchères, qui peuvent s’avérer considérables étant donné que la demande à l’égard du spectre s’accroît à mesure que les technologies et services sans fil évoluent et se multiplient. À la dernière vente aux enchères du spectre, qui a eu lieu en avril 2019, le gouvernement du Canada a vendu 104 licences et empoché 3,4 milliards de dollars.

(2230)

La mise aux enchères du spectre est une pratique très répandue dans bon nombre de pays, y compris aux États-Unis, au Canada et en Europe, qui permet d’attribuer de précieuses fréquences et de générer des recettes pour l’État.

Les fréquences du spectre inactifs ou non déployés sont des fréquences qui ont été attribuées à une entreprise de télécommunications ou à une organisation par un gouvernement ou un organisme de réglementation, mais qui n’ont pas été entièrement utilisées ou déployées pour offrir des services de communication. Ce spectre non utilisé peut être une ressource précieuse, car il y a souvent une demande élevée de bande passante supplémentaire afin de répondre aux besoins croissants au chapitre des données et de la connectivité. Dans certains cas, des entreprises de télécommunications peuvent décider de garder leur spectre non déployé afin qu’il prenne de la valeur au fil du temps. Dans ces cas‑là, on parle parfois d’arbitrage de spectre. Au Canada, il arrive souvent que des entreprises choisissent de vendre ce spectre à d’autres organisations pour réaliser d’énormes profits, laissant ainsi tomber les collectivités à qui aurait bénéficié la connectivité que le spectre leur aurait procurée.

Au Canada, le gouvernement attribue à certaines entreprises de télécommunications des licences de spectre assorties d’une subvention substantielle. Dans bien des cas, ces entreprises peuvent ne pas employer ou déployer entièrement le spectre qui leur a été attribué. Elles peuvent choisir plutôt de vendre leur spectre inutilisé à d’autres entreprises pour réaliser des profits considérables. Elles se trouvent ainsi à transformer la subvention du gouvernement en profit.

Le trafic du spectre — j’adore l’expression imagée de la sénatrice Simons, le squattage du spectre — est une pratique qui consiste à acheter du spectre à un prix très réduit, à ne pas le déployer, puis à le revendre des années plus tard. C’est très lucratif, mais cela laisse des collectivités en plan — surtout dans les régions rurales, éloignées ou nordiques et les communautés autochtones —, parce que le spectre, qui devrait être une ressource publique, aurait dû servir à les brancher. À mon avis, le spectre devrait être utilisé pour brancher les Canadiens plutôt qu’être gardé en réserve pour être revendu à profit.

C’est là qu’intervient le projet de loi S-242. Bien qu’il ne s’agisse en aucun cas d’une panacée à tous les maux qui affligent le réseau de télécommunications à large bande au Canada, j’estime que c’est une bonne solution à un problème précis. Le projet de loi a évolué au fil du dialogue avec les experts de l’industrie, les promoteurs, les universitaires et, comme je l’ai dit, mes respectés collègues pour devenir une mesure législative qui propose d’établir un modèle où, si on n’utilise pas le spectre, on le perd ou on doit le partager, ce qui garantira le branchement d’un plus grand nombre de Canadiens.

Actuellement, les conditions de déploiement liées aux licences octroyées sont laissées à l’entière discrétion d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Très peu de licences sont révoquées pour cause de non-respect des conditions de déploiement. C’est ce que le comité a appris lors de l’étude du projet de loi. Pourtant, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, a parlé à diverses reprises du fossé numérique dont pâtissent les Canadiens vivant en milieu rural.

Selon le site web du CRTC, « de nombreux Canadiens, en particulier ceux dans les régions rurales et éloignées, n’ont pas un accès adéquat » aux services Internet. Selon la carte nationale des services Internet à large bande, publiée par le gouvernement, diverses régions rurales et éloignées sont soit mal desservies, c’est‑à-dire que soit elles n’atteignent pas le seuil national de 50 mégabits par seconde en téléchargement et de 10 mégabits par seconde en téléversement, soit elles ne sont pas du tout raccordées. Pour moi, c’est une indication claire que les conditions actuelles de déploiement sont trop laxistes.

Le projet de loi S-242 propose d’établir les conditions de déploiement minimales que de nombreux intervenants, y compris des fournisseurs d’accès à Internet en tant que tels et l’Association des fournisseurs de service Internet sans fil, ou CanWISP, ont jugées justes et raisonnables. Le projet de loi exigerait simplement que tous les détenteurs de licences de spectre déploient le spectre à 50 % de la population dans des zones géographiques prescrites du territoire couvert par la licence — c’est ce qu’on appelle les zones de niveau 5 — dans les trois ans suivant l’acquisition de la licence. Ainsi, ceux qui achètent des licences qui couvrent un territoire étendu, c’est-à-dire les licences de niveau 1 à 4, ne pourront pas satisfaire aux conditions de déploiement en se contentant de desservir les grandes zones urbaines : ils seront également tenus de desservir les petites zones rurales et éloignées de ce territoire.

Le projet de loi mise sur l’utilisation des licences subordonnées pour assurer le respect des conditions de déploiement. Il accorderait au ministre la flexibilité de décider soit d’annuler carrément la licence ou de réaffecter des zones de services de niveau 5 couvertes par la licence à d’autres fournisseurs qui sont prêts et en mesure de desservir les régions mal desservies. En cas d’annulation d’une licence, le ministre doit réaffecter le spectre dans les 60 jours suivants, en utilisant soit un autre processus concurrentiel, soit un autre système de réaffectation, comme le principe du premier arrivé, premier servi. Le promoteur et ses sociétés affiliées ne pourraient pas faire une nouvelle demande.

Le troisième élément important de ce projet de loi est la disposition relative à la responsabilité civile. Cette disposition vise à faire en sorte que si un titulaire de licence agit de mauvaise foi, ne respecte pas les conditions de déploiement et voit sa licence révoquée, la population qui était desservie par ce fournisseur et qui a perdu ce service en raison de cette révocation peut intenter des poursuites au civil en dommages-intérêts. À ma connaissance, le Québec est la seule province dotée d’un code de responsabilité civile qui permettrait aux clients d’intenter ainsi des poursuites contre une société. C’est pourquoi je pense que cette disposition est nécessaire, car elle permettrait à ceux qui perdent leur connexion en raison des actions ou de l’inaction relative d’un titulaire de licence d’intenter des poursuites. Il est bien établi en droit que des poursuites en responsabilité civile ne peuvent être engagées que si le plaignant démontre l’existence de pertes ou de dommages découlant de la négligence ou de l’intention malveillante d’un tiers.

À l’heure actuelle, Innovation, Sciences et Développement économique Canada peut hésiter à révoquer une licence si cela entraîne la déconnexion d’un certain pourcentage de la population. C’est pourquoi je soutiens que la disposition relative à la responsabilité civile aiderait non seulement Innovation, Sciences et Développement économique Canada à prendre la décision de révoquer une licence sachant qu’il existe un recours pour toute personne déconnectée, mais elle pourrait également inciter les titulaires de licences à respecter les conditions de déploiement.

Tous les témoins qui ont comparu ont déclaré qu’ils appuient l’esprit et l’intention du projet de loi. Les seuls témoins qui ont indiqué que le projet de loi est carrément inutile sont ceux d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada — il faut dire que la manière dont le ministère administre le déploiement du spectre est, franchement, critiquée par l’existence même du projet de loi — ainsi que l’Association canadienne des télécommunications sans fil — qui est à l’origine du squattage du spectre pour en faire le trafic. Je vous laisse le loisir d’utiliser cette information à votre guise.

Honorables sénateurs, depuis 2012, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté cinq résolutions pour établir que l’accès à Internet est un droit de la personne. Dans monde de plus en plus numérique, l’accès à Internet ne se limite pas à visionner un film diffusé en continu ou à jouer à un jeu en ligne, c’est aussi la possibilité de démarrer une entreprise, de consulter un spécialiste, d’étudier à partir de son domicile, de fournir des services gouvernementaux de télésanté, et plus encore.

Je remercie mes collègues pour leur appui à ce projet de loi. C’est une petite pièce dans un très grand casse-tête. Toutefois, je pense que ces mesures législatives nous permettront de faire un pas de plus pour combler les lacunes dans le fossé numérique. Il ne fait aucun doute que de faire en sorte que tout le spectre disponible soit déployé est primordial pour que tous les Canadiens soient connectés. Merci. Qujannamiik.

L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, on m’a demandé de prononcer le discours que voici au nom du sénateur Black, qui ne peut le faire lui-même ce soir. Je dois dire, chers collègues, que c’est la première fois que je prononce ainsi un discours pour une autre personne. Je souligne d’emblée qu’il est beaucoup plus long que mes discours habituels, et je vous prie d’être indulgents. Par ailleurs, c’est aussi la première fois que je prononce deux fois des discours après 22 h 30 pendant la même semaine. J’espère ne pas en faire une habitude.

Honorables collègues, au nom du sénateur Black, je prends la parole au sujet du projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication. Comme le savent bon nombre d’entre vous, le sénateur Black a toujours défendu les intérêts des Canadiens des régions rurales et nordiques et les défendra toujours.

(2240)

Il a vécu et travaillé dans des régions rurales pendant la majeure partie de sa vie et il continuera à défendre les intérêts des régions rurales du Canada à la Chambre rouge.

Il aimerait commencer son discours en remerciant son collègue du Nunavut, l’honorable sénateur Patterson, d’avoir porté cette question à l’attention du Sénat. Le sénateur Black estime qu’il s’agit d’une étape importante pour accroître l’efficacité, la connectivité et la compétitivité du Canada en cette nouvelle ère technologique.

Internet n’est plus un luxe, mais une nécessité pour les Canadiens. C’est un outil essentiel pour la communication, l’éducation, les soins de santé, les affaires et bien plus encore. Il a transformé le mode de vie des Canadiens et notre façon de travailler et d’interagir, non seulement les uns avec les autres, mais aussi avec les gens du monde entier. Il est devenu une partie importante de notre vie quotidienne.

Hélas, chers collègues, tous les Canadiens n’ont pas le même accès à Internet et c’est particulièrement vrai pour les gens qui vivent dans des collectivités rurales.

Le projet de loi S-242 est un texte législatif essentiel qui vise à modifier la Loi sur les radiocommunications dans le but d’améliorer l’accès à l’Internet à haut débit pour tous les Canadiens, y compris ceux qui vivent dans des collectivités rurales et éloignées. Ce projet de loi « à prendre ou à laisser », comme on l’a qualifié, vise à atteindre cet objectif en modifiant la politique canadienne relative à la vente spectre pour fournir des services à large bande dans les régions rurales et éloignées, afin d’obliger les fournisseurs de services à élargir leur réseau pour atteindre un plus grand nombre de Canadiens. Il est indispensable que ceux qui détiennent des parties du spectre fournissent le haut débit nécessaire pour que les communautés mal desservies puissent bénéficier d’un service haut débit fiable.

Pour ce faire, les parties inutilisées du spectre seraient mises à la disposition d’autres utilisateurs, tels que les petites sociétés Internet dans les communautés rurales, sans que cela n’ait d’impact sur le fonctionnement des détenteurs de licences. Comme l’a mentionné le sénateur Patterson du Nunavut, il est important pour les Canadiens que, lors de la prochaine vente aux enchères de spectre, chaque opérateur ait accès à 100 mégahertz de spectre 5G, à condition qu’il soit prêt à l’utiliser.

Chers collègues, je dois avouer que j’aime beaucoup ce discours. Le sénateur Black a écrit un très bon discours, et je suis d’accord avec tout ce qu’il dit ici. Cette mesure aura certainement des répercussions sur l’Île-du-Prince-Édouard. J’espère que ce discours continuera ainsi, de mieux en mieux, car je l’ai reçu il y a quelques minutes à peine.

Chers collègues, cette approche a été couronnée de succès dans d’autres pays, comme les États-Unis, où la Federal Communications Commission a adopté des politiques similaires pour promouvoir l’utilisation efficace du spectre et étendre l’accès à Internet à large bande. En adoptant de telles politiques au Canada, nous pouvons faire en sorte que les communautés rurales et isolées et les entreprises agricoles aient accès aux outils dont elles ont besoin pour avoir du succès à l’ère numérique. Il s’agit d’une étape essentielle pour que tous les Canadiens aient un accès de qualité à Internet haute vitesse, quel que soit leur lieu de résidence ou de travail. En éliminant le « squattage du spectre », comme l’ont mentionné mes collègues — la sénatrice Simons, je crois, et le sénateur Patterson — le projet de loi S-242 contribuera à combler le fossé numérique et aidera les petites entreprises à fournir des services indispensables aux Canadiens qui ont été laissés pour compte pendant bien trop longtemps par les grandes entreprises de communication qui s’accaparent le spectre.

Il y a quelques semaines, le sénateur Black a eu l’occasion de rencontrer un fournisseur de services à large bande local, ici à Ottawa, qui lui a parlé de la difficulté à étendre ses services dans les régions rurales de l’Est du Canada. Pendant des années, l’entreprise a travaillé fort pour se développer et gagner de nouveaux clients, mais comme de grandes sociétés détiennent les licences de spectre, elle a beaucoup de difficulté à y arriver.

Le sénateur Black félicite Storm Internet, qui, comme de nombreuses organisations au pays, déploie des efforts soutenus pour servir les Canadiens et il remercie les représentants de Storm Internet d’avoir pris le temps de le recevoir dans leurs bureaux d’Ottawa.

Chers collègues, le projet de loi S-242 va bien au-delà de l’accès à Internet. Il vise à égaliser les chances pour tous les Canadiens, peu importe où ils vivent. Il vise à garantir que tous les Canadiens ont accès aux mêmes possibilités, qu’ils habitent dans une grande ville ou dans une région rurale. C’est particulièrement important pour les localités rurales qui n’ont souvent pas accès aux mêmes services et ressources que les villes. En garantissant que toutes les entreprises de télécommunications utilisent le spectre qu’elles ont acheté, le projet de loi S-242 permettra aux localités rurales et aux petits fournisseurs de services Internet de concurrencer sur un pied d’égalité les centres urbains.

Ce changement pourra, à son tour, favoriser la croissance économique et créer de nouveaux débouchés pour les Canadiens vivant dans des régions rurales et éloignées, ce qui sera avantageux, non seulement pour ces collectivités, mais également pour les nombreuses entreprises et industries qui les soutiennent.

Le sénateur Black voulait aussi mentionner la nécessité pour les exploitations agricoles d’avoir accès à des services Internet à large bande. La croissance et l’innovation du secteur agricole requièrent un plus grand recours aux technologies dans la plupart sinon la totalité des activités.

Au Comité de l’agriculture et des forêts, le sénateur Black a entendu parler de l’importance, dans les exploitations agricoles, de la collecte de données, du réseautage et de la collecte de renseignements à mettre en commun dans l’ensemble du pays en ce qui concerne la santé des sols, ce qui n’est, honorables sénateurs, qu’un seul aspect de ce secteur. Les agriculteurs dépendent des technologies et continueront de devoir accéder à des services Internet à large bande pour améliorer et peaufiner leurs pratiques.

Le secteur agricole est confronté à des défis uniques qui exigent des solutions créatives. L’industrie évolue rapidement grâce aux progrès de la technologie et de l’automatisation, qui transforment la manière dont les agriculteurs travaillent. Toutefois, afin de maintenir cette trajectoire positive, des mesures gouvernementales sont nécessaires afin de garantir que tous les Canadiens soient connectés à Internet; pas seulement les citadins, mais aussi ceux qui produisent les aliments que nous mangeons.

Honorables collègues, j’aimerais compléter le temps de parole du sénateur Black en discutant de l’écart entre ceux qui ont un accès à Internet et ceux qui n’en ont pas. Seulement 59 % des familles au revenu le plus faible du Canada ont un accès à Internet. Dans les régions rurales, où vivent la majorité des Autochtones du Canada, cette proportion est encore plus faible. Seulement 40,8 % de la population a accès à un service à large bande suffisamment rapide pour pouvoir utiliser efficacement un ordinateur et des ressources en ligne. En cette ère de travail fondé sur la technologie, de telles disparités sont inacceptables et nous devons faire en sorte de répondre aux besoins de tous les Canadiens en comblant les écarts et les disparités qui privent des Canadiens de certaines possibilités.

Bien entendu, l’adoption du projet de loi S-242 n’est qu’une partie de la solution. Nous devons aussi continuer d’investir dans les infrastructures et d’autres initiatives afin d’étendre l’accès aux services Internet à large bande et à d’autres services numériques. Il faut notamment appuyer des initiatives communautaires visant à créer et entretenir des réseaux à large bande locaux, et travailler avec les sociétés de télécommunications afin d’étendre la couverture dans les régions mal desservies.

L’accès à un service Internet à large bande n’est pas le seul problème auquel sont confrontés les collectivités rurales et le secteur agricole. De nombreuses collectivités rurales éprouvent également de la difficulté à accéder aux services de base tels que les soins de santé, l’éducation et les transports. Ces difficultés peuvent être aggravées par l’absence d’une connexion Internet fiable. Nous avons entendu dire que de nombreux professionnels — médecins, avocats, comptables et infirmières — ne veulent pas s’installer dans des zones rurales dépourvues d’infrastructures de base, parmi lesquelles un accès sûr et stable à Internet.

Les régions rurales continueront à perdre des habitants si le gouvernement ne les aide pas à obtenir ces services fondamentaux. Nous devons également reconnaître que les défis auxquels sont confrontés les collectivités rurales et le secteur agricole sont complexes et multidimensionnels. Nous devons adopter une approche globale afin de relever ces défis et veiller à ce que tous les Canadiens, quel que soit leur lieu de résidence ou leur secteur d’activité, aient accès aux outils dont ils ont besoin pour réussir dans le monde d’aujourd’hui.

En conclusion, le sénateur Black exhorte ses collègues à appuyer le projet de loi S-242 — tout comme moi, d’ailleurs. En éliminant le squattage du spectre par le biais de dispositions de retrait des bandes inutilisées nous pouvons contribuer à combler le fossé numérique au Canada et veiller à ce que tous les Canadiens, quel que soit l’endroit où ils travaillent, se divertissent et vivent, et aient des chances égales de réussite.

Merci, chers collègues.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication. J’aimerais remercier ma collègue, la sénatrice Patterson, du Nunavut, d’avoir présenté ce projet de loi et d’y avoir travaillé avec autant de diligence.

(2250)

Je crois que le projet de loi poussera vraiment le gouvernement à agir. Chers collègues, on observe de graves problèmes de connectivité dans les régions rurales et éloignées du Canada. Il y a des sénateurs qui se sont eux-mêmes heurtés à bon nombre de ces problèmes. Par exemple, le sénateur Manning, qui est membre du Comité sénatorial des transports et des communications ayant étudié le projet de loi, a parlé de beaucoup de défis qu’il a dû lui‑même relever dans sa province, Terre-Neuve-et-Labrador.

Je sais que d’autres sénateurs connaissent aussi très bien les difficultés sérieuses que vivent les Canadiens dans les provinces, les territoires ou les régions qu’ils représentent. C’est particulièrement vrai pour le sénateur Patterson, bien sûr.

D’ailleurs, quand le sénateur Patterson a parlé de son projet de loi au Comité sénatorial des communications, il a parlé de l’une des principales raisons l’ayant mené à présenter ce projet de loi. Plus précisément, il a dit ceci :

Bon nombre d’entre vous se souviendront des diverses questions que j’ai posées ou des diverses interventions que j’ai faites au fil des ans au sujet de l’amélioration de la connectivité dans les régions rurales et éloignées de notre vaste pays. Ma région est probablement l’exemple parfait de l’éloignement et de l’inaccessibilité. Ce projet de loi est une autre tentative pour aider tous les Canadiens à avoir accès au même niveau de service que vous et moi, ici, à Ottawa.

Honorables sénateurs, je crois que ceux d’entre nous qui vivent dans les centres urbains, où un grand nombre de commodités nous semblent aller de soi, doivent réfléchir aux défis auxquels sont confrontés beaucoup de résidants des zones rurales et éloignées, qui ne bénéficient pas des mêmes commodités. En fait, je crois qu’il est inexact de décrire la connectivité comme une simple commodité. Dans cette société branchée qui est la nôtre, il est devenu essentiel de voir à ce que tous les Canadiens bénéficient de chances au moins semblables dans le monde numérique.

Pendant mon discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi, j’ai fait référence à un article de la revue Policy rédigé par Helaina Gaspard, Alanna Sharman et Tianna Tischbein de l’Université d’Ottawa. Dans leur article, intitulé « Governing Connectivity: How is Spectrum Policy Impacting the Lives of Canadians? », elles soulignent à quel point l’accès au spectre est essentiel à tout le monde dans l’économie numérique. Voici un extrait du texte :

Le spectre joue un rôle direct ou indirect dans la plupart des domaines du développement industriel et de l’activité économique. De la connectivité à la médecine en passant par le transport et la navigation, la politique du spectre — les politiques qui déterminent la manière dont le spectre est attribué aux divers utilisateurs et à différentes utilisations — a des répercussions sur les économies et les populations.

Voilà ce qui fait toute l’importance du projet de loi à l’étude, selon moi. Il attire notre attention sur un enjeu qui en mérite beaucoup plus : le défi de la connectivité pour les Canadiens vivant en région rurale ou éloignée. En présentant son projet de loi, le sénateur Patterson rend donc déjà à ces Canadiens un service considérable.

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a examiné le projet de loi et a entendu de nombreux témoins. Certains témoins ont dit craindre que, dans sa forme actuelle, le projet de loi puisse ne pas faciliter la connectivité en milieu rural de la façon prévue. Jonathan Black, directeur général de l’Association des fournisseurs de service Internet sans fil, a dit au comité que son association appuie sans réserve l’objet fondamental du projet de loi S-242 et l’adoption d’un cadre prévoyant le retrait du spectre s’il n’est pas utilisé. Cependant, il craint que l’imposition d’une « approche uniformisée en matière de déploiement » ne produise pas les résultats escomptés dans les zones rurales de l’Île-du-Prince-Édouard ou dans les localités côtières de la Colombie-Britannique. Il a aussi dit craindre que la responsabilité civile imposée par le projet de loi décourage les investissements.

Des préoccupations semblables ont été exprimées par Robert Ghiz, président et chef de la direction de l’Association canadienne des télécommunications sans fil, qui a aussi dit ceci au sujet du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique :

[...] le ministère a besoin d’un cadre souple qui lui permettra d’adapter ses processus liés aux conditions des licences d’utilisation du spectre aux caractéristiques uniques de la bande du spectre faisant l’objet des licences et de son utilisation proposée.

M. Ghiz a soulevé cette inquiétude :

Une exigence unique limitera la capacité du ministère à le faire et risque de compromettre l’objectif commun du ministère et de l’industrie d’améliorer la qualité et la couverture des réseaux.

Malgré ces préoccupations, nous devons encore faire face à un grave problème. Comme je l’ai indiqué lorsque j’ai parlé du projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, seulement 30 % des collectivités rurales ont accès à Internet haute vitesse, et seulement 24 % des collectivités autochtones ont accès à de tels services.

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence l’urgence d’accélérer les avancées en matière d’équité numérique pour les communautés rurales et autochtones. Si l’inégalité numérique se perpétue, elle ne fera qu’accroître le fossé socio-économique existant entre les Autochtones et les non-Autochtones, non seulement en matière de perspectives commerciales et d’emploi, mais aussi dans le domaine de l’éducation et de la santé physique et mentale. Les communautés autochtones doivent être pleinement équipées pour avoir accès à Internet haut débit, pour contribuer, prospérer et réussir dans la société numérique d’aujourd’hui. Nous devons donc encourager vivement les mesures concrètes visant à combler ces graves lacunes pour nos communautés les plus vulnérables.

Eva Clayton, la présidente du gouvernement Nisga’a Lisims, s’est exprimée au nom de nombreux Canadiens vivant dans ces communautés vulnérables lorsqu’elle a déclaré :

Le fait que ce projet de loi prévoit des recours juridiques et une certaine assurance que les fournisseurs de services seront tenus responsables des services offerts dans les communautés éloignées aidera non seulement les communautés à accéder à des services critiques et importants, mais réduira aussi une partie du fardeau financier nécessaire pour demeurer connecté lorsque la surveillance fait défaut.

De même, le professeur Jeff Church, de l’Université de Calgary, a exprimé sa satisfaction à l’égard du projet de loi S-242. Il a cité une analyse selon laquelle TELUS a constaté que « seulement 20 % des fréquences réservées pour les zones rurales ont été déployées », et que les fréquences réservées représentent entre 40 % et 60 % du total dans certaines ventes aux enchères. Il a fait valoir que cela indiquait une mauvaise répartition du spectre. Cette mauvaise répartition, a-t-il déclaré :

[...] devient notable lorsque le spectre a effectivement été attribué, mais que les régions rurales et éloignées restent malgré cela mal desservies, voire pas du tout.

Lorsque j’examine ce que le comité a fait, je suis satisfait de la manière dont il a cherché à répondre à ce que ces témoins lui ont dit et à combler certaines de ces lacunes. Un amendement présenté par le sénateur Harder et appuyé par le sénateur Patterson prévoit une plus grande souplesse en accordant une plus grande marge de manœuvre au ministre et en travaillant éventuellement avec des petits fournisseurs de services pour assurer une plus grande couverture des régions rurales.

Le sénateur Patterson s’est également engagé dans d’importantes consultations avec les intervenants, afin d’améliorer son propre projet de loi au moyen d’amendements qui encouragent les détenteurs de licences à déployer le spectre de la manière la plus large et la plus inclusive possible, en particulier pour mieux desservir les régions rurales et isolées.

Lorsqu’il s’est exprimé en comité, le professeur Gregory Taylor, de l’Université de Calgary, a souligné que ce projet de loi avait introduit dans les discussions politiques des questions réelles qui n’avaient pas été suffisamment abordées jusqu’à présent. À l’évidence, il reste encore du travail à faire.

Le comité lui-même l’a reconnu dans ses propres observations sur le projet de loi en ce qui concerne la nécessité de politiques et de mesures incitatives gouvernementales supplémentaires pour encourager les promoteurs à desservir les régions rurales et éloignées, en particulier les communautés autochtones, qui comptent parmi les collectivités les moins connectées du pays. Étant donné que ces recommandations dépassent la portée de ce projet de loi, il incombera au gouvernement de prendre des mesures concertées.

Honorables sénateurs, cet écart de connectivité entre les régions urbaines et les régions rurales ou éloignées perdure depuis trop longtemps. En 2021, la plateforme électorale du Parti conservateur disait :

Alors que la technologie continue à évoluer, l’infrastructure de l’avenir — large bande et 5 G — sera de plus en plus essentielle à la création d’emplois.

La plateforme proposait de « Construire une infrastructure numérique pour connecter tous les Canadiens à Internet haute vitesse d’ici 2025 [...] [d’a]célérer la mise en place de la large bande dans les régions rurales[,] [d’a]célérer le processus de vente du spectre pour que ce dernier soit plus utilisé et [d’]appliquer des dispositions “utilisé ou perdu” pour assurer qu’il est réellement développé (surtout dans les régions rurales) [...] »

Le gouvernement actuel a également promis d’appliquer une approche selon laquelle les droits non utilisés seraient perdus, cet engagement ayant été précisément intégré à la lettre de mandat du ministre Champagne. Celle-ci donne au ministre la directive suivante :

Accélérer le déploiement du service à large bande en exigeant que ceux ayant acheté des droits pour déployer la large bande respectent les jalons établis dans l’offre de la large bande, sous peine de perdre leurs droits de spectre.

Ainsi, la majorité des gens s’entendent pour dire que cela doit se faire. Cependant, nous progressons trop lentement. Il ne fait aucun doute qu’en raison de la lenteur du gouvernement actuel à agir, le Canada accuse maintenant un important retard. Comme je l’ai mentionné à l’étape de la deuxième lecture, le Canada se situe en deçà de la moyenne de l’OCDE au chapitre de la connectivité. En comparaison, des pays tels que la Corée et la Norvège sont déjà en train de déployer la technologie 5G. La Corée travaille déjà sur les considérations liées à la 6G et le gouvernement et les universités participent à la planification et à l’étude des applications pour les utilisateurs finaux.

(2300)

L’approche léthargique du Canada a des répercussions majeures sur la compétitivité du pays à l’échelle mondiale. Si nous n’agissons pas, non seulement cela aura des répercussions sur notre compétitivité économique, mais cela minera aussi la capacité du gouvernement d’assurer des services efficaces. Dans les domaines comme la prestation des soins de santé, par exemple, les conséquences sont très graves.

À mon avis, le projet de loi du sénateur Patterson apporte une contribution importante pour veiller à ce que nous réglions enfin cette question. Honorables sénateurs, je vous demande d’appuyer le renvoi du projet de loi à la Chambre des communes afin qu’il soit adopté et qu’il pousse le gouvernement à prendre des mesures stratégiques plus larges pour s’attaquer à ce problème important. Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

La Loi sur la citoyenneté
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénateur Cormier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-235, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l’honorable sénateur Ravalia, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-239, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel).

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Boyer, appuyée par l’honorable sénateur Marwah, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation).

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Boyer, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

L’étude sur les questions relatives aux banques, au commerce et à l’économie en général

Adoption du cinquième rapport du Comité des banques, du commerce et de l’économie et de la demande de réponse du gouvernement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Wallin, appuyée par l’honorable sénateur Smith,

Que le cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, qui a été déposé au Sénat le mercredi 15 février 2023 soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Finances étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(À 23 h 7, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 25 avril 2023, à 14 heures.)

Haut de page